Normes sociales, stéréotypes de genre

La perception de la femme en tant que « sujet » est ancrée dans le vécu et les conséquences multidimensionnelles de l’ordre patriarcal qui régit la société et qui nourrit les normes sociales.

De ce fait, les situations qui caractérisent la réalité quotidienne des femmes chercheuses sont plurielles : pressions de tous types (contraintes sociales, normes et codes sociaux consacrant les inégalités et stéréotypes de genre). Ceci étant, Il serait important de faire référence également à la violence symbolique blagues, dictons, analogies…), car cette piste est souvent très heuristique dans l’étude de la reproduction des rapports sociaux .

L’ensemble de ces situations sous-tend la discrimination des femmes. Aussi, la question qui se pose est celle de savoir comment contribuer à briser ces constructions sociales en faveur d’une contribution effective à l’avenir de l’humanité à travers la recherche.

Les droits et les libertés de tous les individus sont clairement consacrés par la déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH). Ces principes et libertés sont protégés en l’occurrence par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par plusieurs pays dont le Maroc, impliquant le droit égal des hommes et des femmes de jouir de tous les droits civils et politiques énoncés dans le Pacte . C’est ainsi que la constitution marocaine de 2011 reflète aussi bien dans son esprit que dans sa lettre ce principe.

La recherche en sciences sociales pour les femmes, soulève alors des problématiques diverses, dont certaines sont d’ordre institutionnel, tandis que d’autres sont proprement sociétales. L’accès des femmes à plusieurs droits fondamentaux dont le droit à la recherche est confronté à plusieurs défis. Discrimination, chantage, harcèlement, dénigrement., sont les maitres mots du quotidien des femmes, alors que la voie de la recherche est censée être une voie pour le changement de cette réalité par et pour les femmes.

La recherche sur les droits des femmes, et en sociologie de manière générale, était pendant longtemps considérée comme une action militante en soi . Après l’indépendance, les sciences sociales ont été perçues comme dangereuses et par conséquent mises sous haute surveillance.

L’interdiction de l’Institut de la sociologie au tout début des années 1970 au Maroc, était le reflet de cette tendance. Désormais, les sciences sociales se trouvent à vrai dire largement marginalisées.

Durant les années 1980, les publications et les colloques concernant la femme ont commencé à se multiplier progressivement avec (Abdelkbir Khatibi, Fatima Mernissi…). Fatima Mernissi a amorcé déjà à l’époque une nouvelle dynamique autour des « études féminines ». Grâce à elle et à d’autres chercheuses, les recherches en sciences sociales ont commencé une ère de démasculinisation marquante.

Dans cette optique et d’après les statistiques relatives à l’accès à l’éducation pour les garçons et les filles, on constate qu’il y a plus de garçons que de filles durant les études secondaires 31,2 % H et 18.5% F, mais plus on avance dans les études, plus la tendance s’inverse avec un taux de 53,2 % de femmes qui continuent leurs études de troisième cycle selon le Haut-commissariat au plan (HCP), notamment pour les sciences sociales avec une consécration de cette démasculinisation de la recherche. Les filles sont alors plus diplômées que les garçons et la durée des études des femmes est plus longue que celle des hommes. Cependant, elles obtiennent peu de postes encore moins les postes de responsabilité et leurs efforts sont peu valorisés et s’avère largement discriminées.

La recherche ainsi que l’accès à l’emploi ont donc des connotations sexuées, les femmes sont écartées de beaucoup de domaines de recherche et de travail à cause de leur spécificité. Et bien que l’on puisse observer certaines hausses de nombre de femmes dans ces formations sociales, 53,2 % durant les cycles supérieurs selon le HCP , on peut se demander pourquoi elles sont si mal représentées dans le monde professionnel.

L’évolution des femmes dans la sphère académique et même professionnelle est confrontée également à plusieurs contraintes discriminatoires culturelles et sociales, puisqu’elles sont encore majoritairement en charge unilatéralement de plusieurs responsabilités familiales (l’accompagnement et la prise en charge des enfants, la prise en charge des personnes âgées des parents grands parents, ou des personnes en situation de handicap).

Les réflexions et idées de certaines figures emblématiques telle que Fatima Mernissi (qui est parmi les intellectuels(le)s et les plumes féminines les plus en vue dans le Monde arabe.), peuvent apparaitre alors comme les propulseurs d’une mutation constante avec une mise en exergue de plusieurs thématiques sociétales qui semblent refléter les principaux changements tant attendus.

Fatima Mernissi a dans l’ensemble de ses œuvres mis l’accent sur le fait que la culture influe davantage que la religion. Et c’est la culture qui a donné aux hommes le pouvoir de contrôler les femmes . Elle a souligné également dans son ouvrage « The Veil and the Male Elite : A Feminist Interprétation of Women’s Rights in Islam » que Dieu et le prophète ne sont pas la raison derrière l’oppression des femmes mais plutôt des hommes qui croient que les droits des femmes interfèrent avec leurs propres intérêts.

Les centres d’études tel que le centre d’étude et de recherche en science sociale peuvent jouer un rôle important dans la sphère académique et scientifique en mettant à table les différentes dimensions de la question féminine ainsi que les contraintes y afférentes.

Les figures académiques, les centres de recherches peuvent apparaitre alors comme de véritables leviers de changement dont le rôle s’impose avec acuité en vue de contribuer à la déconstruction des stéréotypes de genre qui pèsent sur les femmes dans leur contribution à la construction de l’avenir de l’humanité.

*Chercheuse

Hespress

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