Pourquoi le Burkina Faso, le Mali et le Niger quittent-ils la Cedeao ?

La nouvelle a fait l’effet d’une bombe : le Burkina Faso, le Mali et le Niger, trois pays dirigés par des juntes militaires, ont annoncé dimanche 28 janvier qu’ils quittaient la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) avec effet immédiat.

L’annonce a fait simultanément l’ouverture des journaux de la mi-journée des télévisions publiques des trois pays. Un communiqué commun signé par le Malien Assimi Goïta, le Burkinabé Ibrahim Traoré et le Nigérien Abdourahamane Tiani a également été publié. « Après quarante-neuf ans d’existence, les vaillants peuples du Burkina, du Mali et du Niger constatent avec beaucoup de regret, d’amertume et une grande déception que leur organisation s’est éloignée des idéaux de ses pères fondateurs et du panafricanisme », déplorent les dirigeants des trois États sahéliens.

Autre argument pour expliquer ce départ de la Cedeao : le manque d’appui dans la lutte contre le terrorisme. Alors que les djihadistes qui sévissent depuis 2012 au Mali ont pris pied chez ses deux voisins, faisant des milliers de morts et provoquant le déplacement de millions de personnes. « La Cedeao, sous l’influence de puissances étrangères, trahissant ses principes fondateurs est devenue une menace pour ses États membres. L’organisation n’a pas porté assistance à nos États dans le cadre de notre lutte contre le terrorisme et l’insécurité », fustigent le Burkina, le Mali et le Niger dans leur texte commun.

Dernier élément mis en avant par les trois régimes pour justifier leur choix : les sanctions jugées injustes imposées par la Cedeao, « toutes choses qui ont davantage fragilisé les populations déjà meurtries par des années de violences imposées par des hordes de terroristes instrumentalisés et téléguidés ».

Les dirigeants des trois régimes militaires, « prenant toutes leurs responsabilités devant l’Histoire et répondant aux attentes, préoccupations et aspirations de leurs populations, décident en toute souveraineté du retrait sans délai du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest », dit le communiqué lu sur les médias d’État de ces pays.

La défiance n’a cessé de croître

À la suite des coups d’État commis en 2020 à Bamako, en 2022 à Ouagadougou et en 2023 à Niamey, les relations se sont tendues avec la Cedeao, qui les a suspendus de ses instances et a pris de lourdes sanctions contre le Mali et le Niger, menaçant ce dernier d’intervenir militairement sur son territoire.

Ces derniers mois, les leaders du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont indiqué à plusieurs reprises leur volonté de quitter la Cedeao pour, avancent-ils, « répondre aux attentes des populations ». Ils ont aussi décidé de renforcer leur coopération en créant fin décembre l’Alliance des États du Sahel (AES).

Alors que la rupture semble consommée entre les trois pays et la Cedeao, quelles pourraient être les conséquences de ce retrait pour les populations ? Sur la libre circulation, l’un des principaux acquis de la sous-région ? Sur les échanges commerciaux, les droits de douane et, bien sûr, la monnaie, le franc CFA géré par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa).

C’est la première fois depuis la création de la Cedeao en 1975 qu’un groupe de pays décide de se retirer, en dehors du cas isolé de la Mauritanie, en 2000.

La Cedeao prête à trouver une « solution négociée »

Passé la stupéfaction, l’organisation ouest-africaine a officiellement réagi ce matin. Le président de la Commission de la Cedeao, Omar Alieu Touray, a dit qu’il attendait une demande officielle écrite tout en laissant la porte ouverte à des négociations. En effet, pour l’instant, la demande émanant des trois juntes s’est faite par voie télévisée et via un communiqué. Or les textes de l’instance régionale prévoient un délai d’un an après notification par écrit pour acter la sortie d’un État de l’organisation.

Surtout, l’organisation continue de tendre la main aux dirigeants militaires de ces trois pays pour trouver une solution négociée. Un véritable défi qui se pose à l’Afrique de l’Ouest à quelques mois du 49e anniversaire de la Cedeao ?

Le Point

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