L’ÉQUATION DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES POUR LES ENFANTS ET LES FEMMES ENCEINTES

Si le lien entre les changements climatiques et certaines maladies affectant les enfants et les femmes enceintes n’est pas toujours évident, de nombreux spécialistes constatent que des pathologies touchent plus fréquemment ces catégories de la population.

‘’Ce qu’on remarque le plus en période hivernale, ce sont des maladies dermatologiques chez les enfants, les maladies gastro-entériques, des maladies liées à la chaleur et à la pluviométrie, mais ce sont juste des constats’’, explique le docteur Rougyatou Camara, pédiatre à l’hôpital régional de Fatick (centre).

Ces pathologies se rencontrent davantage en période de chaleur qu’en temps de fraîcheur, précise la pédiatre, interrogée sur les conséquences des changements climatiques sur la santé des enfants dans cette région qui connaît d’importantes hausses de température.

Outre la chaleur et l’humidité, les épisodes de poussière enregistrés généralement en avril et en mai sont aussi à l’origine de la poussée des affections respiratoires, avec des consultations fréquentes pour des crises d’asthme et des bronchiolites chez les nourrissons, des dermatoses de façon générale, a indiqué Mme Camara.

‘’Les enfants ont tendance à jouer dans les eaux stagnantes lors des inondations de plus en plus récurrentes dans la région à cause des fortes pluies’’, fait-elle observer.

L’Etat fait certes des efforts pour renforcer le système hydraulique de la région, mais dans certaines zones de Fatick, mais il y a encore ‘’des soucis liés à l’accès à l’eau potable et à la teneur en sel de l’eau’’.

C’est le cas dans la commune de Dioffior, dans l’arrondissement de Fimela, ainsi que dans quelques îles du département de Foundiougne, qui sont confrontées à des difficultés d’accès à l’eau. Fatick est une région confrontée à ‘’une vulnérabilité liée à la salinité des sols, ce qui impacte sur les performances agricoles et réduit les rendements agricoles, et favorise la malnutrition aigüe chez les enfants’’, signale la pédiatre.

Fréquence de l’hypertension et de l’anémie
Par ailleurs, certaines maladies affectent davantage les femmes enceintes que les autres couches de la population, constate Rougyatou Diallo, gynécologue, cheffe du service de la maternité de l’hôpital régional de Fatick.

L’hypertension artérielle et ses complications chez les femmes enceintes représentent les plus fréquents motifs de consultation, précise Mme Diallo.

Elle n’établit certes pas de lien direct entre les changements climatiques et certaines pathologies faisant l’objet de fréquentes consultations, surtout chez les femmes enceintes, mais ‘’peut-être qu’indirectement, certains facteurs liés aux changements climatiques, comme la rareté du poisson dans la région, peuvent influer sur l’alimentation des femmes’’.

Mme Diallo fait état de ‘’beaucoup de cas d’anémie’’ de femmes de la région, qui viennent de zones rurales et du milieu urbain, une conséquence sans doute de la faiblesse des rendements agricoles dus à une pluviométrie irrégulière.

‘’Des liens de causalité formelle n’ont pas encore été établis, mais tout le monde constate qu’il n’y a plus beaucoup de légumes, de fruits et de poisson venant des régions côtières comme Dakar, Saint-Louis, Thiès, et ces changements dans l’alimentation sont source de vulnérabilité en matière de santé’’, souligne la gynécologue.

Beaucoup de nouveau-nés présentent un faible poids à la naissance, remarque-t-elle. Et beaucoup de mères sont victimes d’éclampsie ou de pré-éclampsie (des crises convulsives, potentiellement fatales), par exemple.

Dans une région où il ‘’fait tout le temps chaud’’, les hypertendus sont exposés, selon Rougyatou Diallo. Elle constate que le décollement du placenta est fréquent chez les femmes enceintes.

‘’Certes, il n’y a pas d’études pour le certifier, mais nous remarquons qu’il y a trop de cas d’hématomes rétro-placentaires et de pré-éclampsie’’, a souligné Mme Diallo.

Fatick ne figure pas dans la zone rouge en matière de paludisme. La prévention y est soutenue, avec la distribution gratuite de moustiquaires imprégnées aux femmes enceintes.

Les inondations considérées par les spécialistes comme l’une des manifestations des changements climatiques peuvent en outre avoir des incidences sur le suivi médical des femmes enceintes.

Récurrence des accouchements à domicile

Dans la région de Fatick, les évacuations sanitaires posent problème, certaines zones du territoire régional étant inaccessibles, ce qui rend les accouchements à domicile récurrents, en dépit des risques encourus, selon la gynécologue.
Ce phénomène est l’une des principales causes de mortalité maternelle et infantile, note-t-elle, ajoutant que la prise en charge et le recours aux soins sont retardés, au point d’entraîner des complications lors de l’accouchement, même dans les établissements de santé.

‘’On n’a pas encore les évidences scientifiques pour établir les liens de causalité entre changements climatiques et la santé de la reproduction des femmes, mais on constate quotidiennement une récurrence de certaines maladies, comme l’hypertension artérielle, l’anémie ou l’hypothermie’’, résume Mme Diallo.

‘’Ce n’est pas encore documenté, il manque des données pour faire la comparaison’’ avec les années passées, insiste la gynécologue, estimant qu’il faut une étude prospective pour voir si les pathologies émergentes et ré-émergentes sont dues aux changements climatiques.

Une telle étude pourrait en même temps déterminer à quelle période de l’année ces pathologies sont plus fréquemment enregistrées. De quoi faciliter la cartographie sanitaire des régions pendant toute l’année, en corrélation avec les effets de l’évolution du climat.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Previous post CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET SANTÉ, UNE INCIDENCE EN QUÊTE D’ÉVIDENCES
Next post Propos de Chérif Ibrahima Aidara : le procureur active la Dsc