Violence économique dans le couple : Le manque de ressources financières rend la femme vulnérable…  

La violence économique dans le couple est une forme de violence conjugale des plus méconnues. Pourtant, elle est bien présente dans la vie de beaucoup de couples et c’est souvent cette problématique qui freine une personne à quitter un conjoint violent. L’histoire de Sokhna Bator en est une parfaite illustration

 

Difficile de croire qu’elle a juste 32 ans, la tristesse qui se lit sur  son visage stimule des rides autour de ses yeux. Sa camisole en wax délabrée de couleur jaune et ces sandales en semi-cuir bon marché, en dit long sur son rang social. Sokhna Botor, un sceau de couleur jaune et rouge avec l’effigie du bouillon «Magi», fait le tour les vendeuses de poissons. Le pas lent, le regard hagard, la jeune femme se lance tant bien que mal à la recherche de fretin à hauteur à sa bourse qui ne dépasse pas 1500 francs cfa. Un si petit budget en cette période de crie ou  tous les denrées alimentaires et les produits halieutiques sont en hausse.

Violence économique conduit à la malnutrition 

 «Je ne peux pas servir du poisson séché plus de 10 jours à ma famille, mes enfants ont besoin de manger autre chose» se plaint-elle avec sa voix douce qui contraste du visage triste. Aussi, d’un pas décidé, elle change de direction et se tourne vers les vendeurs de viande particulièrement ceux qui vendent les boyaux avec 400 francs, elle en prend deux tas. Les légumes ne font pas partis de ses achats. N’est-elle pas consciente que le manque de fruits de légumes peut provoquer des carences sur la croissance de chez enfants. Bien sur, elle en est parfaitement consciente, seulement dans sa situation sa préoccupation majeure se limite à stopper la faim de sa progéniture.

Néanmoins, après l’achat de boyaux, elle se dirige  vers le marchand de condiments pour acheter le huile, pour le riz ,elle s’approvisionne chez une femme assise à l’entrée du marché avec bassin remplie de riz à la qualité douteuse, seulement elle vend moins cher. Mariée à un agent municipal, depuis 10 ans, cette femme au foyer mère de 4 ans n’a aucun source de revenus, elle se débrouille avec le peu que son époux le lance tout les matins aves mépris sur le visage.

Un mari indigne qui ne se préoccupe guère du bien-être de sa famille

Sokhna Bator se dit résigner, car  dépassée par sa situation, elle développe désormais un esprit de grand-mère. En effet, supposant que sa vie est vouée à l’échelle, elle compte sur ces enfants dont l’aîné a à peine 10 ans pour changer sa vie. Sa résignation découle du mode de vie que l’impose son époux, chaque demande d’argent est soldée par une humiliation. « T’es une incapable, qui ne sert à rien, j’en ai plus assez de te nourrir  et tu oses demander encore demander l’argent pour besoins inutiles ». C’est dans ces termes que son mari répond à ces sollicitations financières et selon son humeur, il peut user de chantage. « Dés fois il existe un repas copieux avec les 1500 qu’il me donne, si je veux satisfaire un de mes besoin autre que la popote »  

Femme au foyer par contrainte 

L’étude diagnostique de l’économie informelle au Sénégal réalisée par le Bureau international du Travail en 2020, révèle que 85,7% des femmes de ce secteur ont un chiffre d’affaires inférieur à 100.000 FCFA (soit US$ 171) par mois. Ces femmes excellent dans le petit commerce : vente de fruits et légumes, de poissons, vente à la sauvette entre autres.  Il y a également, le cas des femmes aux foyers qui économisent sur leurs dépenses quotidiennes pour participer à des tontines. C’est une technique qui permet aux femmes de fructifier leurs gains. La maman de Sokhna Bator, qui habite le village de Taïba Niassène, dans la région de Kaolack, a révélé que des femmes ont assuré l’éducation de leurs enfants grâce à des tontines.

Sokhna Bator qui n’a pas été très brillante à l’école a fini par abandonner ces études en classe et Ce1. Elle avait juste une douzaine d’années, quand elle a   rejoint sa maman dans son champ de maraichage, implanté dernière la conception familiale. Ainsi, elle a pu obtenir un « salaire » pour subvenir à ses besoins. Car l’activité de maraichage de la maman nourrit la famille et permet également d’avoir des revenues avec la vente de la récolte.

Pourtant la religion musulmane bannit la violence économique


Le vécu le Sokhna Bator est loin d’être un cas isolé, beaucoup de femmes sénégalaises vivent dans la même situation ou pire. Pourtant, le Sénégal est un pays laïque avec près de 90% de musulmans et dans les recommandations de l’Islam la femme mariée  a le droit d’être totalement prise en charge par son époux, même si elle était riche.

« L’Islam Selon Oustaz Abdou Karim Ndiaye enseignant coranique  au Centre Islamique de  Documentation (Cifod):Le musulman est tenu de vivre convenablement avec sa femme. ‘Selon la prescription de Dieu qui dit  » Vivez avec vos femmes en bons rapports ».     Un homme demanda au Messager de Dieu .Quels droits à la femme de l’un de nous sur son mari ?le messager de Dieu répondit: il doit la nourrir quand il se nourrit, dit il, l’habiller quand il s’habille, éviter le visage quand il la corrige, il ne doit ni l’avilir ni la mettre en quarantaine que chez elle. Le Messager de Dieu dit aussi : « Les droits qu’elles ont sur vous, c’est de les traiter aimablement, de les habiller et de les nourrir ». « L’homme croyant doit pas haïr sa femme : S’il trouve en elle un défaut, il trouve également une qualité qui le satisfait ». Le Messager de Dieu dit : »Recommandez- vous de bien traiter les femmes, car elles sont retenues chez vous ». L’homme est le gouverneur dans sa  famille, le jour de la résurrection il répondra de ces actes notamment sa responsabilité vis-à-vis de sa famille   lui sera demandé compte de ses responsabilités. Si l’homme est marié avec plusieurs femmes, il doit les nourrir, les loger, avoir avec elles des rapports sexuels et les habiller de façon équitable car Dieu dit: « Si vous craignez d’être partiaux, que ce soit alors une seule épouse ou des esclaves ».    Le Messager de Dieu fit cette recommandation en faveur des femmes et dit: « Le meilleur d’entre vous est celui qui se conduit le mieux envers sa  femme est mieux que vous dans la société.

Trois questions à Maimouna Makoar Diouf, Sociologue, Communicante, consultante Genre

Selon vous, c’est quoi la violence économique ?

La violence économique a plusieurs contours mais elle concerne essentiellement le fait que l’économie du ménage soit contrôlée par le mari qui abuse de ce pouvoir par la contrainte ou la menace. Elle implique aussi le fait que le mari ne veuille pas assurer normalement les charges du mariage ou que le mari veuille avoir le contrôle totale sur la gestion des revenues de la femme en décidant de comment elle dépense son propre argent. Les juristes pourront peut-être en dire plus en évoquant ce que dit la loi sur la charge du ménage qui revient exclusivement au mari et que à chaque fois que ce dernier, de façon volontaire, viole ce droit nous pouvons parler de violence économique. La violence économique c’est aussi que le mari contraint la femme à rester dans la relation en usant de son pouvoir. 

 Comment  la violence économique affecte-t-elle ces victimes ?

Tout le monde sait que les femmes sont généralement dépendantes financièrement de leurs maris et à chaque fois que ce droit leur est privé elles sont affectées par celà psychologiquement. Les conséquences de cette violence économique sont nombreuses mais nous pouvons parler du fait que le mari ait une emprise sur la femme en lui imposant des choses et la mettant ainsi dans une situation de dépendance qui fait que la victime ne peut plus subvenir à ses besoins de base. Nous pouvons aussi parler de ce qu’on appelle « la prison dorée », ses femmes qui sont dans des ménages dont le mari est riche parce que tout simplement elles n’ont aucun moyen de subsistance en dehors de ce foyer et subissent toutes formes de violences conjugales.

Je me rappelle de cette phrase que la femme d’un riche chanteur sénégalais disais dans une interview pour parler de ses problèmes avec son mari, « je souffre dans l’opulence », pour dire tout simplement qu’elle était dans un ménage cette immensément riche mais qu’elle n’y avait aucun bonheur.

3- Est-ce qu’il y’a un ou des moyens de s’en sortir ?

Le seul maître mot pour faire face à la violence économique, c’est l’autonomisation de la femme.

Permettre aux filles d’aller à l’école et de faire des études poussées, donner aux femmes et aux hommes, les mêmes chances d’avoir accès à des emplois sécurisés, permettre aux femmes d’être dans le macro-entreprenariat qui puisse leur garantir une autonomisation réelle et durable. Et enfin créer des cadres juridiques et réglementaires qui puissent protéger les femmes de façon effective contre toutes les formes de violences, y compris la violence économique.

Il faut aussi beaucoup de sensibilisation auprès de ces dernières pour les amener à comprendre que leurs vies leurs appartiennent quelque soit la situation économique dans laquelle elles se trouvent.

Cet article a été réalisé avec le soutien de l’Africa Women’s Journalism Project (AWJP) en partenariat avec l’International Center for Journalists (ICFJ) et avec le soutien de la Fondation Ford en Afrique de l’Ouest.

Paule Kadja TRAORE

Previous post Biennale de Dakar : De l’eau dans le gaz entre collectifs d’artistes et organisateurs
Next post VIOLENCES FAITES AUX FEMMES: JUSTICE POUR HELENE DELLA CHAUPIN