Au cœur de la tragédie qui a frappé le Centre Fagaru se trouve une faillite sidérante du Ministre de l’Environnement et de la Transition Ecologique, et de son chef de cabinet, qui portent une lourde responsabilité dans ce désastre. Une simple lecture du Code forestier que ces experts sont censés maîtriser sur le bout des doigts, aurait suffi à leur démontrer le blocage administratif, les abus d’autorité et l’illégalité des exigences et démarches du Service des Eaux et Forêts de Toubacouta, et à stopper les dérives de ses agents pour éviter ce désastre dont nous faisons face aujourd’hui:
• L'article 13 du Code forestier est pourtant limpide. «L'exploitation et/ou la valorisation des produits et services forestiers dans les forêts relevant de la compétence des collectivités territoriales est assujettie à l'autorisation préalable du Conseil départemental concerné après avis du Conseil municipal concerné. Le permis d'exploitation est délivré par le Service des Eaux et Forêts, Chasses et de la conservation des sols au vu de l'autorisation établie.
Concernant les forêts privées, les propriétaires exploitent et/ou valorisent les produits forestiers, sous réserve du constat du représentant du Service des Eaux et Forêts, Chasses et de la Conservation des Sols et du respect des mesures relatives à la protection de l’environnement, des eaux et des sols, arrêtées par le Ministre chargé des Eaux et Forêts… ».
Le Centre Fagaru est une réserve forestière, établie sur une propriété privée de 30 hectares dont je suis l’unique attributaire et cela depuis sa création en 1998.
• L'article 48 du Code forestier encadre strictement les conditions dans lesquelles les agents des Eaux et Forêts peuvent s'introduire dans une propriété privée. « Ces visites domiciliaires peuvent cependant se faire à toute heure par les agents..., seuls ou accompagnés avec l'accord exprès de la personne dont le domicile, l'enclos, l'établissement privé ou la cour est visité. En cas de flagrant délit, les agents veillent à la conservation des objets trouvés sur place pour la manifestation de la vérité. ».
Les agents des services des Eaux et Forêts sont tenus de respecter les procédures légales et les droits des citoyens en toutes circonstances. Cela n´a pas été le cas lors de la saisie opérée au Centre Fagaru.
Comment ne pas dénoncer avec la plus grande vigueur l’attitude du Ministre et de son cabinet dans cette affaire? Face à une telle incurie, comment ne pas conclure que le Ministre et son chef de cabinet sont, au mieux incompétents, au pire complices des agissements illégaux du Service des Eaux et Forêts? Comment expliquer que ces derniers n’ont pas daigné m’accorder une oreille attentive pendant plus d’une année?
La tragédie au Centre Fagaru met en lumière un mal profond qui ronge notre administration, ce fossé abyssal qui sépare encore les décideurs de la réalité du terrain, le mépris affiché à l’égard des citoyens, et l’ignorance crasse des textes que l’on est censé appliquer. L’aboutissement tragique de cette indifférence eut lieu le jeudi 6 février 2025, lorsque des feux de brousse provenant hors du Centre Fagaru ont ravagé près de 9 hectares dans la réserve forestière, et réduit en cendres nos infrastructures, représentant des pertes estimées à plus de 90 millions de francs CFA. Cette catastrophe était prévisible et notifiée au Ministre de la Justice dans notre lettre du 29 janvier 2025, soit moins de 10 jours avant les feux de brousse.
Ce n’est pas seulement un abus de pouvoir et un déni de justice que nous dénonçons aujourd’hui, mais une négligence criminelle qui a conduit à la destruction d’un patrimoine naturel et économique inestimable, la conséquence directe de l’inaction et du blocage que nous avons dénoncés en vain. Aujourd’hui, notre constat est amer et accablant. Nous avons été victimes d’un abus de pouvoir, d’une inertie judiciaire incompréhensible, et d’un abandon total de la part de nos représentants politiques, des médias sollicités et même du plus haut niveau de l’Etat.
Au-delà de l’arbre tombé, c’est toute la gestion du Centre Fagaru qui est entravée par l’inertie et l’hostilité du service des Eaux et Forêts, qui semble plus prompte à piller les ressources qu’à protéger les initiatives citoyennes. Ce service public, au lieu de soutenir et d’encourager les initiatives citoyennes en faveur de la protection de nos derniers fragments de forêts, se comporte en prédateur, entravant les efforts de ceux qui, comme moi, se battent sur le terrain pour préserver nos ressources forestières.
Le Centre Fagaru, ce havre de biodiversité que j’ai créé et protégé pendant plus de 25 ans, est aujourd’hui menacé de destruction, non pas par les feux de brousse ou une catastrophe naturelle, mais par l’arrogance de ceux qui sont censés protéger notre environnement. Ce que nous redoutons pour le futur est alors la solidarité gouvernementale toxique décriée par le Président de la République dans une adresse à la Nation, qui pourrait faire du Centre Fagaru la bête noire et un paria, pour avoir dénoncé les injustices et abus à notre égard.
J’ai consacré plus de 30 ans de ma vie à faire du Centre Fagaru un modèle de réussite en matière de conservation des forêts. J’ai régénéré une forêt péri-guinéenne unique au Delta du Saloum. J’ai réussi presque un miracle dans la région de Fatick, peut-être même au Sénégal tout entier. Dans un pays qui perd chaque année plus de 45 000 hectares de forêts, j’ai réussi là où les discours creux et les projets avortés de l’Etat et des soi-disant organisations de conservation se sont lamentablement fracassés. J’ai prouvé qu’il était possible de restaurer et de préserver notre précieux patrimoine forestier.
C’est précisément cette réussite qui dérange, cette réponse sénégalaise et initiative unique saluée par certains et visiblement jalousée par d’autres, qui est aujourd’hui réduite en cendres. Non pas par un hasard malheureux, mais par la conséquence directe de l’abus de pouvoir d’un service des Eaux et Forêts obtus, d’une inertie judiciaire scandaleuse et du silence complice de ceux qui auraient dû nous soutenir et nous protéger. J’ai choisi de démissionner en 2020 de mon poste de directeur exécutif à IMDi du Ministère de l’éducation et de l’intégration de la Norvège, pour revenir au bercail et assurer le développement et la gestion du Centre Fagaru. Et c’est ainsi que l’Etat me remercie, en me traitant comme un criminel et en saccageant mon travail. Je n’ai jamais abattu un seul arbre pour des gains financiers, ni commis la moindre infraction à la législation forestière ou environnementale. Je suis un activiste et écologiste de terrain pour la protection de nos forêts et la sauvegarde de notre patrimoine bioculturel, et je ne laisserai pas l’Etat détruire ce que j’ai construit avec tant d’amour et de dévouement.
Cette publication est la dernière sur cette affaire, car j’espère ardemment que comme suite à la lettre du Ministre de la Justice datée du 5 février 2025, le Procureur Général près de la Cour d’appel de Kaolack traitera dans les plus brefs délais, et avec diligence le dossier.

Leave a Reply