Le Sénégalais Amadou Hott, candidat à la Présidence de la Banque africaine de développement (BAD) a été battu hier par le Mauritanien Sidy Ould Tah. Sitôt les résultats annoncés que le débat est lancé sur la faiblesse supposée de la diplomatie sénégalaise. Surtout qu’avant Hott, Augustin Senghor a échoué sur un poste à la FIFA, sans compter la défaite du Dr Ibrahima Socé Fall qui briguait le poste de Directeur régional de l’Organisation mondiale de la Santé (Oms) pour la région Afrique. Certains ont ainsi attribué ces échecs répétitifs aux nouvelles autorités qui, il est vrai, ont pour l’instant une diplomatie illisible. Le Sénégal a pris ses distances avec ses anciens alliés européens, la France en particulier sans pour autant nouer des relations solides avec d’autres puissances du monde. Ce qui installe la diplomatie dans une période de flottement ou de transition ; c’est selon.
Mais de là à tout mettre sur le dos du tandem Diomaye-Sonko, il y a un pas à ne pas franchir trop vite. En vérité, ça fait longtemps que la diplomatie sénégalaise n’est plus ce qu’elle était sous les Socialistes, Senghor en particulier. Malheureusement, nous continuons à prendre les vessies pour des lanternes. Penser que le Sénégal a toujours une diplomatie forte relève d’un mirage. Depuis 2000 au moins, Dakar n’est plus ce qu’il était sur la scène diplomatique. En dehors de Matar Diop de la Banque mondiale, le dernier sénégalais dans une institution forte remonte aux temps de Jacques Diouf à la Fao. Pour le reste, ce sont des structures de moindre importance comme la commission de l’UEMOA ou envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU.
Abdoulaye Bathily et le Sénégal ont été battus en 2017 par le Tchad de Moussa Faki Mahamat lors l’élection pour la Présidence de la commission de l’Union Africaine, malgré de gros moyens parmi lesquels l’avion présidentiel que le chef de l’Etat Macky Sall avait mis à la disposition du candidat. Avant son dernier échec à la FIFA, Augustin Senghor qui ne croyait pas visiblement en ses chances d’être porté à la tête de la CAF s’est rangé derrière son adversaire Patrice Motsepe, dans le fameux protocole de Rabat. Peut-être qu’avec la FIFA, il a payé le prix de sa rétractation à la CAF.
Les choses ont donc bien changé il y a plus de deux décennies. Mais le Sénégal continue à surestimer son poids international en toisant les pays de la sous-région, ses voisins immédiats en particulier. On se croit de loin devant les deux Guinée, le Mali et la Mauritanie. Or, à l’heure actuelle, la Mauritanie, en plus de la présidence de la BAD fraîchement acquise, dirige le Comité exécutif de la Fifa et occupe la place de Vice-présidence de la CAF. Ceci est la preuve que le Sénégal est à la traîne, sans pour autant s’en rendre compte.
Toutefois, on peut aussi se poser la question de savoir si la force d’une diplomatie réside en la capacité de placer ses citoyens à la tête des instances internationales. Peu de citoyens américains dirigent aujourd’hui les grandes organisations mondiales, les Chinois y sont presque inexistants et pourtant, ces deux pays disposent d’une diplomatie forte. Même si ces deux exemples ne sont en rien comparables au Sénégal, il y a lieu de choisir entre un pays diplomatique et un pays souverain.
La force supposée de la diplomatie sénégalaise n’a reposé en réalité que sur le parrainage de la France. Sans le bon vouloir de Paris, les candidats sénégalais n’ont aucune chance de passer. Vaut mieux donc travailler l’économie et le développement pour devenir un pays souverain et prospère. Une fois cette étape franchie, la diplomatie pourra suivre plus facilement. Certes, allier les deux est préférable, mais à défaut, l’économie nous semble prioritaire.
Un pays comme Israël n’a pas ses citoyens à la tête des instances internationales, mais elle a une diplomatie qui lui permet de perpétrer un génocide à Gaza sous la complicité de presque tous les pays du Monde. En Occident, au Moyen Orient, en Afrique (exemptée l’Afrique du Sud) comme en Amérique latine, le silence est de rigueur face aux massacres des Palestiniens. Le mutisme du Sénégal, soutien historique de la Palestine, en est un exemple éloquent.
Deux autres exemples plus positifs sont la Turquie et le Qatar. Le pays de Erdogan s’impose aujourd’hui comme le médiateur dans le conflit entre l’Ukraine et la Russie. Pourtant, il y a quelques années, Ankara courrait derrière l’Union européenne pour une adhésion, sans succès. Mais grâce à ses performances économiques, le pays est devenu incontournable dans la sous-région.
Le Qatar aussi s’impose dans le Golf en tant que place financière forte. Doha est médiateur dans le conflit entre Israël et Palestine. La Russie est un autre exemple. Sous l’ère Biden, l’Occident a formé un seul bloc contre la Russie. Américains et Européens ont tenté d’isoler Moscou avec des sanctions qui n’ont épargné ni homme d’affaires, ni artistes encore moins sportifs. Malgré tout, la Russie garde une place importante sur la scène internationale.
Il est vrai que la Russie, ce vaste pays, grande puissance, n’est pas le Sénégal, petit bout de terre parmi les pays les plus pauvres au monde. Mais nous gagnons toujours à regarder certains exemples. Et pour voir moins grand, il y a le Maroc et le Rwanda. Rabat construit son influence grâce à sa position économique. Si le Rwanda se permet de déstabiliser la RDC, c’est qu’il a une économie qui le lui permet. Mieux vaut donc devenir une économie forte ou une place financière pour réussir en diplomatie.
Après tout, la diplomatie forte du Sénégal n’a jamais aidé le pays à se développer, il est donc temps d’avoir une nouvelle approche, de changer de fusil d’épaule.
Sénégal : Une diplomatie forte ou un État souverain ?

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