Le président de la République Bassirou Diomaye Faye a fait face à la presse le 5 avril, pour la deuxième fois depuis son élection à la tête du pays. En termes de nombre, c’est déjà largement mieux que son prédécesseur. Pendant 12 ans, le président Macky Sall n’en a pas fait plus d’une demi-douzaine de fois avec la presse nationale. On peut noter une interview accordée aux patrons de presse en tout début de mandat. Il y a ensuite trois interviews en tête-à-tête avec Maïmouna Ndour Faye, Amy Sarr Fall et dernièrement Assane Guèye de la Rfm. A cela s’ajoutent les entretiens de fin d’année initiés dans le second mandat. On retient les interviews ayant lieu en janvier 2019, décembre 2020 et février 2024.
Cela fait environ une moyenne d’une interview tous les deux ans, largement inférieure à la moyenne actuelle du président Faye. En plus, Bassirou Diomaye Faye n’a accordé qu’une interview à la presse occidentale (Afp et France 2), une tribune largement préférée par son prédécesseur Macky Sall, au mépris de la presse nationale.
A cet entretien avec des médias français s’ajoutent, deux autres : un avec Al-Jazeera et un autre avec la chaîne chinoise CGTN. N’empêche, on retient quand même qu’en termes d’espace accordé à la presse nationale, il est parti pour faire beaucoup mieux que Macky Sall.
Un bataillon pour un chef d’Etat
Ce n’est pas pour autant que l’opinion est satisfaite, les journalistes en particulier, surtout à l’issue du dernier face à face avec les médias. Depuis ce jour, les professionnels de l’information font des publications longues ou courtes, tous pour exprimer une insatisfaction. Et c’est justement parce que cette décision salutaire de s’adresser à la presse assez souvent comporte des modalités fort regrettables.
Le format est d’ailleurs le plus décrié. 6 journalistes plus une modératrice. Ceux parmi les journalistes comme Sidy Diop qui ont respecté à la lettre la consigne d’une question par journaliste sont noyés face à Maïmouna Ndour Faye qui fait fi des règles du jeu. On comprend l’agacement de Diop quand il fait la remarque à la modératrice Mariama Dramé qui, par ailleurs, impuissante face à Maïmouna, veut imposer le silence au chef de l’Etat suite à une relance. Et au finish, les journalistes sont plus des poseurs de questions que des interviewers. En effet, l’interview suppose la possibilité de relancer par une autre question à la suite d’une réponse floue, évasive, ou alors face à l’absence de réponse.
D’ailleurs, a-t-on réellement besoin de tout ce bataillon pour poser des questions pertinentes au chef de l’Etat ? La presse est-elle nulle à ce point, ou est-ce que le président de la République est trop fort et trop intelligent pour justifier ce nombre. En vérité, on est encore dans ce schéma classique où en Afrique, le prince est considéré comme trop précieux et assez balèze pour faire face à un ou deux journalistes.
Pourtant, nos présidents se font interviewer par un seul journaliste en Occident ou en Orient. Même lorsque l’interview a lieu au palais ou en ligne, le chef de l’Etat fait face à un interlocuteur et non deux, trois voire six. Pour preuve, Bassirou Diomaye Faye a été interviewé par un seul journaliste, que ce soit sur Al Jazeera, CGTN ou AFP.
Jamais sur un plateau de télévision sénégalaise
Par ailleurs, au-delà de la fréquence des retrouvailles avec la presse nationale, nos chefs d’Etat doivent franchir un nouveau palier. Depuis 1960, on n’a pas souvenance d’un président sénégalais dans les studios d’une radio ou sur le plateau d’une télévision. Ni Senghor, ni Diouf, ni Wade, ni Sall ne se sont déplacés une fois dans une maison de presse pour les besoins d’une interview. Même pas dans les locaux de la Rts qui les suit partout au Sénégal et à travers le monde. Ironie de l’histoire ou comble du mépris, c’est dans les studios de Tv5 en France que le président Macky Sall a accordé un entretien à une journaliste de la Rts en plein club de Paris. Qu’on ne nous dise surtout pas que Tv5 est une chaîne supranationale dans laquelle les chaînes publiques des pays francophones sont actionnaires.
Or, ces mêmes chefs d’Etat se sont toujours déplacés dans les locaux des médias occidentaux, les télévisions en particulier. Le président Diomaye Faye qui est à la tête d’un gouvernement souverainiste doit opérer une rupture dans ce sens. Lorsque l’actualité le commande, il doit pouvoir aller sur le plateau d’une télévision ou d’une web tv pour se faire interviewer, sans que cela ne mobilise toute une rédaction.
Au Sénégal, dans tous les médias sérieux, il y a au moins trois journalistes capables d’interviewer valablement le chef de l’Etat. Certains groupes en comptent une bonne dizaine voire plus. Sur ce plan aussi doit se jouer la préférence nationale et la confiance aux nationaux, sans aucun chauvinisme.
Seneweb
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