La panne des numéros d’urgence causée par un « bug » logiciel, selon l’enquête interne d’Orange
1 800 appels, soit 11 % du total des appels d’urgence, n’ont pas été acheminés pendant la panne survenue en France le 2 juin, entre 16 h 45 et minuit, selon les conclusions de l’enquête.
L’enquête interne d’Orange confirme qu’« un bug » logiciel a été à l’origine de la panne nationale des numéros d’urgence survenue en France le 2 juin, a annoncé vendredi 11 juin l’opérateur.
SAMU, pompiers, police… Cette panne du réseau de l’opérateur Orange avait perturbé massivement l’accès aux numéros d’urgence, et de nombreux services de secours étaient difficiles à joindre à travers la France. Faute d’avoir pu contacter dans des délais rapides les numéros 15, 17, 18 ou 112, cinq personnes seraient mortes, selon les autorités. Des enquêtes judiciaires sont ouvertes.
Selon les conclusions de l’enquête, 11 800 appels, soit 11 % du total des appels d’urgence, n’ont pas été acheminés pendant la panne, entre 16 h 45 et minuit. « Ce dysfonctionnement est la conséquence d’un bug dans les logiciels des “calls servers” », c’est-à-dire les équipements techniques qui gèrent l’interconnexion entre le réseau IP et l’ancien réseau analogique, a fait savoir l’entreprise dans un communiqué.
Une opération de modernisation à l’origine de la panne
Ce dysfonctionnement fait « suite à une opération de modernisation et d’augmentation capacitaire du réseau, débutée début mai, pour répondre à l’accroissement du trafic », a encore annoncé l’ex-France Télécom, historiquement chargé de rediriger les appels d’urgence. Orange ajoute que la défaillance logicielle est désormais identifiée par le fournisseur des équipements concernés et « qu’un correctif a été adressé ».
L’opérateur français déplore que « malgré la mobilisation des équipes techniques, le retard dans l’activation de la cellule de crise managériale » ait entraîné « une communication tardive vers toutes les parties prenantes. »
L’enquête d’Orange est distincte de l’audit « de contrôle de la sécurité et de l’intégrité » du réseau et des services d’Orange demandé par le gouvernement, et piloté par l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (Anssi) ; ses conclusions sont attendues dans un délai de deux mois.
Guillaume Poupard, le directeur général de l’Anssi, avait toutefois déjà fait savoir jeudi qu’une panne technique, et non une cyberattaque, était à l’origine de la défaillance des numéros d’urgence. La piste d’une cyberattaque a été « écartée dès le 2 juin », a rappelé vendredi Orange.
Stéphane Richard attendu à l’Assemblée
La panne avait provoqué de vives réactions politiques, et renouvelé le débat sur le système des numéros d’urgence, dont certains acteurs veulent la fusion, sans qu’on sache si une telle fusion aurait vraiment permis de résoudre la panne plus rapidement. Les autorités avaient mis en place des numéros alternatifs à dix chiffres pour joindre les secours, des numéros qu’il fallait trouver sur Internet et sur les réseaux sociaux.
L’incident, qualifié de préoccupant par le président Emmanuel Macron, avait mis sous pression l’opérateur de téléphonie et son PDG, Stéphane Richard, qui avait présenté ses excuses après une convocation au ministère de l’intérieur, jeudi 3 juin.
Le PDG d’Orange doit par ailleurs être auditionné mercredi par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. « Nous voulons comprendre ce qui a pu se passer et s’assurer que ça ne se reproduira plus », souligne auprès de l’Agence France-Presse (AFP) le député LRM Roland Lescure, qui préside cette commission.
« L’Etat a un cahier des charges très clair vis-à-vis d’Orange. Visiblement, il n’a pas été respecté », avait déclaré ce parlementaire sur Franceinfo. « Nous déplorons des victimes qui sont susceptibles d’avoir été causées par ce grave incident », avait également déclaré vendredi dernier le premier ministre, Jean Castex, en précisant qu’il se prononçait « sous réserve évidemment de ce que diront les enquêtes, notamment les enquêtes judiciaires qui sont ouvertes ».
Une cellule chargée des dysfonctionnements
A ce jour, cinq décès suspects ont été constatés dans le Morbihan, en Haute-Saône, en Vendée, sur l’île de La Réunion, et dans les Bouches-du-Rhône. Parmi les recommandations de l’enquête d’Orange figurent l’objectif de « réduire de deux heures à trente minutes maximum » le délai de déclenchement d’une cellule de crise, en cas de perturbation touchant les appels aux services d’urgence ou encore le renforcement de « la supervision de bout en bout » des services vitaux et des numéros d’urgence.
« En tant que président de la GSMA [l’association internationale des opérateurs télécoms], Stéphane Richard proposera de mettre en place, au niveau mondial, la création d’une cellule chargée de répertorier et analyser les dysfonctionnements réseau sensibles afin de partager les retours d’expérience entres opérateurs », a ajouté le groupe français.
Le Monde avec AFP et Reuters