Des épouses sous le poids des tâches ménagères : l’intimité sacrifiée sur l’autel de la tradition

La femme est bonne à tout faire au Sénégal. Elle ploie sous le poids des tâches ménagères. Les femmes consacrent 21 heures de leur temps aux tâches ménagères contre 8 heures pour les hommes selon une étude citée par le Réseau National des Femmes Travailleuses du Sénégal ( RENAFES). Jusqu’ici, la tradition voudrait que l’épouse se charge des travaux modestiques. En réalité, les hommes cultivent un complexe : assister son épouse dans les tâches domestiques est un signe de faiblesse, une négation de sa virilité…Pourtant, la surcharge de travail de la femme peut déteindre sur la vie du couple pour ne pas parler leur intimité. Une spécialiste en relations amoureuses, Kiné Ndiaye détaille les possibles conséquences qui peuvent faire voler en éclats les couples. 

Des hommes sénégalais nourrissent le complexe d’assister leurs épouses dans les tâches ménagères. Cette assistance peut être perçue comme un signe de faiblesse. Mieux, l’homme peut faire l’objet de critiques de la part des membres de sa famille. Ces préjugés et croyances condamnent les femmes à tout faire quitte à crever. En tout cas, une directrice d’une agence immobilière n’est pas loin de ce cas de figure. Elle qui habite Tivaouane Peulh n’est pas épargnée.

‘’Je dois entretenir mon bébé. Et au-delà, il  y a le boulot au bureau et une fois à la maison, il faut s’acquitter des tâches ménagères. Il y a les travaux domestiques et des services de la belle mère, du beau père, des belles sœurs à ne plus finir », se désole la dame.

Après la labeur au bureau, elle doit parfois affronter la corvée. Ainsi la va la vie d’une femme mariée sous nos cieux.  « Le soir, tu rentres fatiguée. Une fois à la maison, tu trouves un désordre total.  Tout le monde croise les bras en attendant ton retour pour te  montrer qu’on t’as fait venir dans la maison pour que tu gères les tâches ménagères ‘’, confie la dame.

Pendant qu’elle se démène pour mettre de l’ordre dans la maison, l’époux se prélasse. « C’est frustrant. On gère. Mais ce n’est pas facile », concède madame Bâ.

Mais lorsqu’on a la chance d’avoir un mari expatrié, on souffre moins. C’est ce cas de Aïcha qui respire quand son époux vient en vacances au Sénégal. Il exporte ses bonnes habitudes de l’occident au pays de la Téranga.

« Mon mari est une personne ouverte et il   vit seul. Il a l’habitude de cuisiner .Lorsqu’il est au Sénégal  en vacances, il m’aide sur les tâches  ménagères, il cuisine, on sort également pour faire des courses. Il a un esprit ouvert ce n’est pas comme la plupart des hommes qui pensent que ce sont  leurs femme qui doivent  tout faire », dit-elle.

Aïcha observe que beaucoup pensent que lorsque l’homme travaille et assure la dépense, c’est à la femme de se charger du reste, c’est-à-dire de tout le travail domestique.

« Dans un  couple, il faut s’entraider. A un moment donné, je n’ai pas eu de nounou pour s’occuper de bébé. C’est mon mari même qui gère le bébé et moi je pars au travail. Mon mari nettoie parfois la maison et moi je fais la vaisselle .Certaines habitudes sont révolues. Nous sommes des jeunes couples. Et on est au 21ème siècle.  Les choses ont beaucoup changé .Les femmes ne sont pas désignées pour rester à la maison et tout faire »,  disserte la femme.

Des idées ancrées

Certains hommes ne se cassent pas la tête. Ils n’essaient même pas d’apprendre à faire des omelettes. Ils estiment que ce n’est pas aussi un devoir d’aider sa femme à pomponner son bébé.

«  Un mari n’est pas obligé de cuisiner  ou de partager les tâches ménagères avec sa femme. Et personnellement, je  préfère que ma femme cuisine et en plus elle cuisine  très bien  même. Je n’ai même pas envie d’apprendre à cuisiner. Je donne la dépense quotidienne .Je veux qu’elle cuisine et cela l’honore aussi cela lui fait plaisir de cuisiner pour moi. Je  suis pour qu’une femme cuisine pour son mari pour sa famille et c’est son rôle. Je ne comprends pas pourquoi nous voulons imiter les blancs ? Nous avons nos cultures et nos traditions », relate cet homme.

Persistance des pesanteurs socioculturelles 

Les croyances d’un autre âge sont toujours de vigueur dans notre société. Au Sénégal, les coutumes et les croyances confèrent à l’homme le statut de chef. Ces mêmes croyances soumettent la femme dans une posture de soumission.  Si dans les grandes villes, les femmes ne voient rien de mal à partager les tâches ménagères avec leurs maris, dans les zones rurales, ces valeurs traditionnelles sont toujours de saison.

‘’Le partage des tâches est un grand problème. À Dakar et dans les grandes villes, les femmes n’hésitent pas à poser le débat. Mais dans des villages comme chez nous, les femmes n’osent pas aborder le sujet.  La tradition a déjà réglé ce problème. Les hommes s’occupent des travaux champêtres et les femmes se chargent des travaux domestiques », raconte notre interlocuteur originaire du village situé non loin de Touba.

Mère Thiama, animatrice de l’émission culturelle ‘’Negou Seye’’ à Seneweb affirme sans ambages que les hommes sénégalais ne font pas preuve de galanterie à cause de leur orgueil.
‘’Au Sénégal, je pense que les hommes ne prennent pas exemple sur le Prophète PSL qui est une référence en matière d’entreaide entre l’homme et la femme dans les tâches ménagères. Ils sont orgueilleux. Et ce n’est pas bon dans un couple. Je me demande en quoi aider sa femmes dans les travaux domestiques peut-il changer le statut du père de famille d’un homme ? », tonne l’animatrice.

Elle n’est pas surprise de voir des hommes sénégalais adopter cette posture. Pourtant, à l’étranger, ils s’adonnent aux tâches ménagères.

 
« En Europe, les couples s’entraident. Tout le monde est impliqué et cela permet d’alléger un peu la  corvée de  la femme. Malheureusement au Sénégal, on n’a pas cette culture. Tu vois un homme qui prend du thé ou du café  et après il a même l’orgueil de laver sa tasse. Il demande à la femme de venir le faire parce que pour lui, cest à elle de tout faire. C’est pas normal’’, proteste Mère Thiama. 

Avec la charge de travail, elle ne s’étonne pas que beaucoup de femmes n’ont pas la tête à satisfaire leurs époux au lit.

‘’Tout est mis sur le dos de la femme au Sénégal. Tu dois rendre service à toute la famille et la nuit aussi tu es tenue de satisfaire ton mari. Et je le dis, les hommes ne badinent pas au lit. C’est pourquoi beaucoup d’hommes ne sont pas satisfaits du lit. Les femmes sont fatiguées. Il faut rappeler encore une fois que les tâches ménagères ne font pas partie du mariage. C’est juste une manière de rendre beau mais ça ne fait pas partie ’’, a précisé l’animatrice.

Afin de prévenir les frictions pouvant naître de cette surcharge de travail de l’épouse, l’animatrice invite les hommes sénégalais à s’inspirer des maures qui gâtent leurs épouses.

‘’Les Maures sont en longueur d’avance par rapport au Sénégalais sur cet angle. Ils traitent leurs femmes comme des reines.  Elles ne font rien c’est pourquoi elles ont du temps pour s’occuper de leurs maris. Il faut changer de mentalité. Qu’ils arrêtent de faire le bourgeois dans les foyers ‘’, brosse l’animatrice.

En dehors de ces croyances culturelles, il y a également le poids du regard des autres. ‘’chez-nous quand une femme laisse son mari faire des travaux domestiques, les gens vont dire qu’il a perdu son statut de chef de famille. Il ne sera pas respecté dans le village. C’est ce qui fait que les femmes au village n’osent pas laisser leur mari faire des tâches ménagères. Elles préfèrent endosser tout pour préserver l’honneur et la dignité de leurs maris’’, analyse l’animatrice.

Une répartition des tâches transmise de génération en génération

La perpétuation de cette répartition des tâches est un problème. C’est le point de vue de Kiné Ndiaye, coach en relation amoureuse. Cette surcharge de tâches dévolues à la femme est transmise de génération en génération.  ‘’ Le fait qu’un homme refuse de faire des tâches ménagères, la raison, c’est peut être un complexe qui vient principalement  de l’éducation donnée aux petits garçons, c’est-à- dire le cadre familial et social dans lequel cet homme a grandi », commente Kiné Ndiaye qui a aussi affirmé :  « Les hommes qui ont évolué avec une mère célibataire participent davantage à la vie domestique. Le plus souvent, ils ont plus d’empathie et moins de complexe »

A l’inverse, ceux qui ont grandi dans un ménage où il y a beaucoup de femmes n’ont pas souvent d’empathie envers leurs épouses. « Il y a ceux qui sont formatés et considèrent que c’est à la femme de s’occuper des enfants, de faire le ménage et la cuisine. Et lorsqu’un homme fait ces tâches à la pace de sa femme, il manque de virilité en plus d’être un peureux. C’est pour cela que rares sont les hommes qui aident leurs femmes’’, explique-t-elle.

Que peuvent être les conséquences sur le partage inéquitable des tâches ménagères entre l’homme et la femme dans un couple ?

La  faible contribution des hommes aux tâches ménagères n’est pas sans conséquence. En effet, beaucoup d’hommes ignorent que la gestion des tâches ménagères est un aspect qui peut bien renforcer comme perturber le couple. La femme y voit une preuve d’un manque d’estime à son égard. Cette répartition déséquilibrée entraîne parfois des frustrations qui peuvent se répercuter sur l’intimité, soutient notre coach en relations amoureuses.

‘’Le  fait que la femme se sente soutenue a un impact positif sur la vie de couple. Et, plus ce déséquilibre est important, plus les frustrations prennent le dessus.Et ceci se traduit le plus souvent par des révoltes qui poussent les femmes à faire moins l’amour. En somme, cela se répercute sur l’intimité. Déjà mentalement elle se sentira utilisée aussi bien dans les tâches ménagères que dans l’intimité. Elle sera tellement épuisée qu’elle aura du mal à gérer l’intimite’’ déduit le coach en relations amoureuses.

Au regard de ces conséquences qui peuvent faire voler en éclats les couples, Kiné Ndiaye préconise une répartition équitable des tâches ménagères.

Seneweb

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