DEFECATION A L’AIR LIBRE/ DÉPERDITION SCOLAIRE, BAISSE DE CONFIANCE EN SOI, INFECTION VAGINALE, DIGNITÉ BAFOUÉE Ces maux qui «tuent » les femmes de Djidah Thiaroye Kaw

Dépourvues de toilettes au sein de leur demeure, certaines femmes qui vivent dans la commune de Djidah Thiaroye Kaw pratiquent la défécation à l’air libre. Ce, depuis plus de 50 ans. Certaines parmi elles ont vu leur toilettes s’effondrées durant la grande inondation de 2008. Durant cette période, les eaux pluviales ont envahi et détruit de nombreuses habitations dans la zone. Cependant, d’autres n’ont jamais eu de toilettes durant toute leur existence. 

Djidah Thiaroye Kaw, une des 16 communes de la ville de Pikine (Sénégal). Dans cette commune  des femmes vivent dans des conditions d’hygiène difficile. Faire ces besoins les plus naturels relève d’un véritable chemin de croit. Elles le font en plein air dans un quartier populaire. Il suffit de faire un tour dans la localité pour se rendre à l’évidence. Difficile d’échanger sur cette situation sanitaire difficile d’échanger sur cette situation sanitaire ;« Arrêtez de nous importuner avec vos enquêtes «débiles» sur l’état de nos sanitaires. Vous ne faites rien pour nous aider à en disposer ». C’est avec ces mots sèchent et sur un ton rude que le père de famille, interrompt notre interview avec une de ses filles.  La colère du vieux est néanmoins justifiée par ses voisins.

 En effet, ils nous renseignent que sa maison est souvent cible d’enquêtes sur les besoins de blocs sanitaires depuis quelques années maintenant. Toutefois, les promesses de ces soi-disant bienfaiteurs ne se sont jamais concrétisées. Le décor sinistre et l’odeur nauséabonde qui dégagent dans la maison, en disent long sur le vécu de ces résidents.

Cependant, avant l’arrivée de son père Fama Diagne, une fille de 16 ans, habillée d’un t-shirt marron et d’un pagne en wax aux couleurs délabrées, nous a mis au parfum de sa souffrance. « Je rêvais d’avoir un avenir meilleur que mes parents, de devenir médecin pour guérir les malades et prendre soin de mes parents.  Mais surtout, les loger dans une maison convenable où j’exigerais que les toilettes soient construits en premiers », confie notre interlocutrice. Les yeux étincelants durant sa narration, nous montre à quel point, ce rêve lui tient à cœur.

Malheureusement, poursuit-elle, après un long silence, « j’ai dû quitter l’école l’année dernière. Alors que j’étais en classe 4e secondaire ». « Je ne pouvais plus supporter les remarques de mes camarades d’écoles. Souvent, en passant dans la rue, les gens m’interpellent sur les tâches qui se trouvaient sur mes habits.  C’était une infection vaginale qui se manifestait par l’écoulement de liquide blanche dans les parties intimes »,  révèle-t-elle avec le cœur meurtrie. Poursuivant, elle souligne que ces remarques dans uns et des autres l’anéantissait au plus profond d’elle. Car, relève-t-elle, certains faisaient des efforts en me mettent sur le slip qu’elle portait afin d’éviter que les habits soient tâché.  

Ainsi, elle estime que c’est la conséquence de la défécation à l’air libre. « A cause de l’absence de toilette dans la maison, pour me soulager, je  me rends à quelques mètre de chez nous dans une maison en ruine. C’est là-bas où je fais mes besoins. Et, l’état d’insalubrité de cette demeure a fini par me rendre malade »,  avoue-t-elle avec regret. Aujourd’hui, Fama Diagne espère trouver, une bonne volonté pour l’aider à se soigner et à reprendre le chemin de l’école. Son regard hagard en dit long sur sa frustration face à cette situation.  

Toutefois, l’arrivée du chef de famille a mis fin à notre conversation. Cap, pour un autre quartier, toujours dans la commune de Djidah Thiaroye Kaw.

Le constat  est le même dans presque tous les grands quartiers qui constituent la communeDans ces vingtaine de quartiers, impossible pour un étranger de rester quelques minutes dans les ruelles. Les riverains dépourvus d’un bon système d’assainissement creusent dans un coin de leurs ruelles un énorme trou pour contenir les eaux usées en provenance des fosses septiques des maisons. Depuis plus de cinquante ans, les habitants de Djidah Thiaroye Kaw vivent dans ces conditions. D’autres encore pire, avec l’absence de toilette dans leur demeure.

Une vie sans toilette

Aminata Loum et ses filles squattent les endroits non fréquentés pour se « soulager»

 « C’est dans les années 1968, que j’ai déménagé dans ce quartier. Je vis ici depuis plus de cinquante ans et je n’ai jamais eu de toilette dans ma maison »,  narre Aminata Loum, habitant dans le quartier Lansar.  Agée de 70 ans, la vieille que nous avons trouvé en train de faire le linge, soutient que depuis qu’elle a quitté les Allée Centenaire, au cœur de la capitale sénégalaise, elle n’a jamais eu accès à l’eau encore moins à des toilettes. « J’ai des enfants. Tous des filles. L’aînée à plus de 50 ans. Mais, filles ont grandi sans toilettes. Nous avons aménagé un coin de notre maison pour prendre le bain.  Mais également,  pour les besoins naturelles.  Nous utilisons des pots de chambres pour les enfants.  Et, les autres squattent les coins déserts. Ce qui n’est pas une évidence dans ce quartier populaire»,  renseigne Aminata Loum avec une voix pleine de tristesse. Toutefois, elle reconnait que le fait de faire la défécation à l’air libre ne l’honore. « C’est notre dignité qui est bafouée. Seulement, nous n’avons pas le choix »,  regrette-t-elle. Aminata Loum avoue également qu’elle et sa famille sont souvent sujettes de maladies respiratoires, d’infections vaginales et de constipations.  «Mes infections vaginales ruinent ma vie, par gêne je suis dans obligation de laver moi-même mes habits, car souvent mes pagnes dégagent une forte odeur ». « A mon âge c’est épuisant » s’indigne-t-elle « Face à ces maladies, nous sommes impuissantes. Parce que, nous n’avons pas les moyens de nous soigner correctement. Aussi, nous nous contentons de la prise de médicaments traditionnels. Et, ces médicaments ont peu d’effet sur nos maux », se désole la vielle dame. Au quartier de Ainoumane 3, le constat est le même : eaux usées et ordures ornent le décor. Une situation qui, visiblement, ne dérange plus personne dans ce quartier. Mais, le manque de toilette pèse sur la famille Ba. Trouvée en train de préparer le repas de midi pour sa petite famille, Dieynaba Bâ, la quarantaine, se plaint de ne pas disposer de toilette dans son foyer. «Je suis née et j’ai grandi dans ce foyer, il y a plus de 40 ans. Chaque jour, nous vivons cette situation humiliante. Le fait d’être obligé de faire nos besoins dans des maisons abandonnées avec tous les dangers que cela comporte, nous brise le cœur et affecte notre santé. Je suis, certes habituée, aux odeurs infestes qui se dégagent dans les maisons abandonnées, cela ne peut pas m’empêcher de me soulager. Mais, j’avoue qu’après cela, dès que je sors de ces toilettes la honte m’envahi. En plus, je souffre d’infection vaginale chronique, et des démangeaisons entre les cuisses, du coup je passe mon temps à me gratter. J’ai subi trois avortements déclenché par des infections vaginales aggravées », se désole-t-elle. Poursuivant sa narration, la dame dit ne pas comprendre l’absence de réaction des autorités publiques. Leur silence, dit-elle, est décevant pour la population de ces banlieues de la capitale.  «Hormis les quelques travaux d’installation de station d’épuration faite par l’Office national d’assainissement du Sénégal (Onas) qui n’est bénéfique qu’aux quartiers périphériques. La réhabilitation de la route principale qui  n’a pas résisté aux dernières inondations, rien n’a été réalisé par les autorités pour nous sortir de cette situation alarmante. Et, de nous permettre d’avoir des toilettes adéquats», tance-t-elle.

Au quartier Touba-Pikine, c’est le même scénario. Awa Samb, une maman se plaint également du manque de toilette chez elle. L’odeur infernale qui dégage à l’intérieur de sa demeure résume la situation. Cependant, elle confie-t-elle : « j’occupe une des chambre de cette maison, avec mon mari et nos trois enfants. La maison dispose de six chambres, toutes occupées par des locataires et leurs familles». Awa Samb soutient que : «Certains, parmi eux utilisent des pots de chambre, qu’ils vont déverser une fois la nuit tombée dans le bassin de rétention sise derrière notre quartier, construit pour capter l’eau pluviale enfin d’éviter l’inondation. Pour ma part, je préfère me rendre dans les maisons abandonnées ». «Mais ce qui est plus grave, souligne la dame, c’est que maintenant, nous avons constaté des serpents sortir de ces déchets et de ces eaux qui bordent de ces  maisons abandonnées. Et le danger est d’autant plus grave que nos enfants circulent tout autour sans la moindre surveillance. Ce qui du jour au lendemain risque d’avoir des conséquences incalculable». Aussi, lance-t-elle un SOS aux autorités de sa localité.

Espoir des toilettes publiques pour abréger les souffrances   

A la mairie de ladite commune, M. Déme, le chargé du cadre de vie, reconnaît que ce sont les femmes et les jeunes filles qui souffrent le plus du manque de toilettes dans leurs maisons. A l’en croire, malgré tous les efforts fournis par les différents partenaires (Etat et Ong), la commune n’arrive toujours pas à accompagner les familles dans l’installation des toilettes appropriées. « Notre commune fait partie des localités les plus démunies de la ville de Pikine. C’est ce qui explique l’absence de toilette dans certains ménages, ces occupants n’ont pas les moyens d’en disposer du coup ils se voient dans l’obligation de satisfaire leurs besoins en dehors de chez eux », précise-t-il. Avant d’ajouter que « d’autres ont été impacter par les inondations des années précédents, c’est durant ces catastrophes qu’ils ont perdu une partie de maison et leur toilettes étaient devenu impraticable ». 

En guise de solution, l’adjoint au maire, annonce la construction prochaine de toilette publique.

Paule Kadja TRAORE

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