Baccalauréat au Sénégal : « Une peine perdue », selon des sociologues

Alors que des milliers d’élèvent se penchent, depuis hier samedi, sur les épreuves du second tour du baccalauréat dont les résultats partiels sont jugés catastrophiques, les sociologues Cheikh Tidiane Mbaye et Mamadou Coulibaly ont porté un regard critique sur ce diplôme et les études universitaires qu’ils considèrent d’ailleurs comme une « perte de temps ».
« Le bac au Sénégal, une peine perdue ? Et les études universitaires de nos jours, une perte de temps ? Si c’est seulement pour aller à l’université et y chercher un diplôme, il semble vrai que le baccalauréat est quasiment une peine perdue ! » Cette affirmation est faite par les sociologues Cheikh Tidiane Mbaye et Mamadou Coulibaly, respectivement responsable et formateur au club Règle de la méthode sociologique (Rmc). Dans sa tribune hebdomadaire intitulée « Grain de sel du sociologue », les universitaires se demandent : « A quoi bon faire de longues études pour chercher un papier (diplôme) qui ne garantit ni des compétences ni un savoir être, et encore moins un métier ? »

De l’avis de Mbaye, l’enseignant-chercheur, et Coulibaly, inspecteur du travail, les universités forment plus des inadaptés sociaux (« personne qui éprouve des difficultés à s’adapter à son milieu social, et qui n’arrive pas à y vivre en harmonie et à y jouer son rôle normal ») et font plus perdre du temps aux jeunes au lieu de les préparer à assumer leurs responsabilités d’adultes.
Etayant leurs propos, ils invoquent les statistiques de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) et le document de Politique nationale de l’emploi (Pne) réactualisé en 2017 (document non encore adopté et donc non encore officiel) selon lesquels, « le taux de chômage des diplômés du niveau supérieur (particulièrement élevé) est de 31% en 2011 ». D’après Mbaye et Coulibaly, « la durée chômage varie selon le niveau d’instruction de la personne. Le pourcentage des jeunes en situation de chômage de longue durée (plus d’une année) est de 74% pour les diplômés du supérieur, 52% chez les diplômés du secondaire, 64% pour ceux qui ont le niveau primaire et 41% pour ceux qui n’ont aucun niveau d’instruction ».

Les chercheurs sont d’avis que « ces chiffres combien alarmants révèlent tout simplement qu’au Sénégal, plus on est instruit, plus on encourt le risque de chômage. Pis encore, il y a plus de chômeurs chez les diplômés que chez les non diplômés. A cela, s’ajoute le sous-emploi qui constitue un autre problème du marché du travail au Sénégal ».
« L’université produit des diplômés inaptes à l’emploi »
A ce titre, les sociologues persistent et signent que « cette situation professionnelle des jeunes diplômés dénote tout bonnement une absence totale de vision et de politique éducatives, dont la conséquence terrible est ‘’l’inflation scolaire’’ ». Autrement dit, l’Etat forme pour former des jeunes, non seulement sans mise en cohérence entre les programmes de formation et les besoins de la société, mais aussi sans aucune anticipation sur le devenir de ces jeunes.

« Ce qui fait que l’université produit des diplômés qui sont à la fois inaptes à l’emploi et plus nombreux que les postes qui correspondent à leur qualification. C’est comme si l’école se contentait de produire gratuitement du personnel pour le marché du chômage », ont-ils fait savoir dans leur tribune.
Toutefois, pour ne pas démoraliser les futurs bacheliers, les nouveaux et les étudiants en processus de formation, « en attendant que le système soit réformé », ils leur donnent des « armes » en vue de les épauler dans leur parcours universitaire, en dépit des défaillances du système. « Si vous décidez d’aller à l’université, n’apprenez pas pour le diplôme uniquement, car celui-ci n’est pas toujours synonyme de connaissances ou de compétences et, pour ainsi dire, il ne vous garantit pas forcément l’emploi à la sortie. Mais ayez un objectif professionnel et/ou académique clair et appréciez vos programmes de formation à l’université au crible de cet objectif, sans quoi vos études supérieures seraient une perte de temps », ont conseillé Cheikh Tidiane Mbaye et Mamadou Coulibaly.

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