VIOLENCES FAITES AUX FEMMES, L’ETERNEL SUPPLICE !

On n’en parlera jamais assez ! Elles ont fait couler beaucoup d’encres, mais sont aussi sujet de plusieurs reportages dans la presse locale. Mais les violences faites aux femmes demeurent un fait qui subsiste toujours dans notre société. Pour comprendre ce fléau et réessayer d’apporter des solutions, L’Asnews s’est rapproché des victimes, mais également des organisations qui militent en leur faveur, afin d’en savoir plus.

Reportage !

Viol, incision, maltraitance, pédophilie… ! Autant de maux que subissent au quotidien les femmes. Si elles sont mariées, elles sont le plus souvent battues par leurs conjoints. Célibataires, elles sont violées ou incisées, pour soi-disant « conserver leur chasteté », comme le souhaitent certaines traditions. Ainsi, entre 2017 et 2018, 706 femmes et filles ont été victimes de viol, conduisant à la mort. C’est du moins ce que révèlent les statistiques de la cellule de traitement des affaires criminelles du ministère de la Justice.
Rien que pour l’année 2019, 14 femmes ont été tuées suite à un viol, dont 3 mineures en état de grossesse. Qui ne se rappelle pas de l’affaire Bineta Camara, du nom de cette jeune fille violée puis assassinée par un « ami » de la famille, dans la maison familiale de Tambacounda ? Les cas sont multiples, dans un pays où tuer est devenu un acte banal.  Malgré la loi votée à l’Assemblée nationale, offrant ainsi la possibilité  de condamner sévèrement les auteurs de ces crimes, le fléau persiste.
En effet, les formes de violence que subissent les femmes sont diverses. Et chacune des victimes garde en elle une blessure qu’elle gardera pour toujours. Il y a d’abord le phénomène de l’excision.  Selon l’Agence sénégalaise de la statistique, plus d’une fillette sur 10 est excisée au Sénégal.  Interdit depuis plus de 20 ans, la pratique est en recul dans les villes, mais perdure en milieu rural.
« J’ai été excisée quand j’étais très jeune. Je ne me doutais de rien, car on m’avait donné comme prétexte que je devais me rendre au village voir ma grand-mère malade. Ce fut le cauchemar de ma vie. Je ne pourrai l’oublier. Il suffit que je ferme les yeux pour que le film me soit retracé. C’est la cause des douleurs menstruelles, car le liquide ne coule pas comme il se doit. C’est dur, c’est vraiment dur… », déclare F.P, la vingtaine dépassée.

« MES AMIS ME DISAIENT QU’UN HOMME, ÇA NE CHANGE PAS »

Les violences conjugales rythment le quotidien des couples. Au Sénégal, de nombreuses femmes sont maltraitées par leur époux. Si ces formes de violences font souvent parties du « mougn » (soumission) que nos mamans imposent à leurs filles quand elles rejoignent leur domicile conjugal, cette donne prend de plus en plus des proportions inquiétantes. Divorcée depuis six (6) ans, cette dame qui a préféré garder l’anonymat, garde toujours de sombres souvenirs de son précédent mariage. « En mars 2012, j’ai rencontré un homme dont je suis tombée follement amoureuse. Au bout de quatre ou cinq mois, il revenait souvent au plein milieu de la nuit, sous l’emprise de l’alcool. Au départ, il cassait des objets. Ensuite, ça a été les premières bousculades. On se dit que ce n’est pas grand-chose. Monsieur s’excuse et le lendemain, on dit que c’est la faute de l’alcool », narre-t-elle. Mais juste une année d’union, leurs chemins se séparent.  « J’ai réussi à me séparer de lui au bout d’un an. Finalement, il est revenu vers moi, m’assurant qu’il allait changer, que j’étais la femme de sa vie, qu’il regrettait, que c’était la faute de l’alcool…. Je suis retournée avec lui. Les premiers mois, c’était idyllique. Je suis tombée enceinte. Quand il a appris la nouvelle, il était heureux. Je me suis dit : ça va être un nouvel homme, ça va le changer », a-t-elle dit, le regard lointain. Mais l’accalmie ne sera que de courte durée.
« Au bout de quatre ou cinq mois de grossesse, il a commencé à me retaper dessus. J’ai eu honte, parce que mes amis ne voulaient pas que je revienne avec lui. Ils disaient qu’un homme, ça ne change pas. Moi je disais à tout le monde qu’il avait changé, que tout se passait bien. J’avais tellement honte, j’avais peur aussi pour l’enfant… Heureusement, j’ai fini par me séparer de lui », ajoute notre interlocutrice. Après une période de pause, la jeune femme a su refaire sa vie avec un homme qu’elle juge « impeccable ».
Face à ces multiples formes de violences dont sont victimes des femmes et des filles, certains ont décidé de s’attaquer au phénomène. A travers des réseaux et associations, ils mènent le combat.  Si certaines ne peinent pas à revenir sur leur mésaventure, beaucoup de femmes tuent la tristesse qu’elles vivent dans leurs foyers, de peur d’être critiquées par leurs proches ou familles. En raison de quoi ? Une apparence parfaite ? La psychologie est sans doute un moyen pour s’y échapper. Mais la vision de notre société est inscrite dans une logique qui fait que recourir à un psychologue est souvent banalisé ou jugé comme thérapie européenne. Hélas !
Les prédateurs sexuels doivent être punis, les mentalités de certains hommes se doivent d’être changées, si l’on aspire à un meilleur cadre de vie où les droits de toute fille et femme sont respectés, dans les règles de l’art, loin des… jugements de la société.

CE QUE RÉVÈLENT LES CHIFFRES DE L’ANSD

Elles sont nombreuses à subir les violences, dans toutes ses formes. Selon les chiffres avancés par l’Agence Nationale de Statistique et de la Démographie (ANSD), 25% de femmes âgées entre 15 et 49 ans sont victimes de violences conjugales. Pour l’année 2018, parmi les femmes de 15-49 ans, 23 % ont été excisées. Selon toujours la même source, parmi les filles de 0-14 ans, 14 % ont été excisées, environ 9 % ont subi l’excision avant 1 an et 5 % entre 1 an et 4 ans. Pour l’année 2017, au Sénégal, 27 % des femmes de 15-49 ans ont subi des violences physiques depuis l’âge de 15 ans. Dans 55 % des cas, le mari/partenaire actuel est l’auteur de ces actes.
S’agissant des violences conjugales, une femme de 15-49 ans (non célibataire) sur quatre (25 %) a subi, à un moment donné, des actes de violence, sous la forme émotionnelle, physique et/ou sexuelle, de la part d’un mari/partenaire. Dans 15 % des cas, ces actes de violence se sont produits récemment, c’est-à-dire au cours des douze mois avant l’enquête.
Concernant les blessures dues à la violence conjugale, l’ANSD renseigne qu’un peu plus d’une femme de 15-49 ans sur quatre (27 %), non célibataires, ont subi n’importe quel type de blessure à la suite de violences physiques ou sexuelles. Cette proportion est de l’ordre de 30 % au cours des 12 mois avant l’enquête. Pour la proportion de femmes ayant recours à une recherche d’aide, elle est estimée à 24 %.

FATOU TOURE, CHARGEE DE PLAIDOYER DE VBG AU RÉSEAU SIGGIL JIGGEN :  « Notre travail de tous les jours est de combattre les violences »

Chargée de plaidoyer de VGB (violence basée sur le genre) au sein du Réseau Siggil Jiggen, Fatou Touré nous explique leur domaine d’activités.

Concrètement, qu’est-ce que la structure a fait pour réduire ces violences faites aux filles et femmes ?

Nous avons fait beaucoup de plaidoyers à l’endroit des lois et des dispositions discriminatoires. Concrètement, nous avons fait accéder plus de 2000 femmes à la planification familiale. Vous savez que ne pas accéder à la planification familiale est une forme de violence. Nous sommes à 315 décès maternels au Sénégal. Donc si toutes les femmes accèdent et restent à la planification familiale, on pouvait avoir 30% de femmes qu’on sauverait. Nous avons également participé dans un grand réseau de 25 associations pour faire des activités de plaidoyer. Nous avons commencé à faire le plaidoyer depuis 2017 pour que le décret d’application portant la planification familiale soit signé. Nous avons fait bouger l’enveloppe des produits contraceptifs de 100 000 fcfa à presque 500 000 fcfa actuellement. Nous sommes partis de 100 000 à 300 000. Et notre deuxième plaidoyer avait eu l’engagement du ministre, d’aller à 500 000 fcfa. Nous avons fait beaucoup de plaidoyers. Notre travail de tous les jours est de combattre les violences, surtout chez les personnes victimes de plusieurs discriminations. C’est l’exemple des personnes handicapées. Celles-ci font partie du réseau Siggil Jiggéen et nous sommes en train de les renforcer dans leurs droits. Nous avons fait également beaucoup de sorties. Nous sommes dans « Woman Deliver » qui est une campagne nationale. Elle est au Sénégal et au niveau du Kenya.

Qu’est-ce qu’il faut pour améliorer les choses ?

Nous nous battons pour que les politiques publiques que l’Etat est en train de faire prennent en compte de manière large et intelligente les filles et les femmes. Nous avons fait beaucoup de choses à « Deliver for Goo » pour mettre les filles et les femmes au cœur des ODD (Objectifs de Développement Durable). Quand les filles et les femmes sont dans les politiques publiques, cela veut dire qu’elles sont dans les grandes orientations de développement. Donc, on est en train de travailler dans ce sens. Nous tendons la main également à d’autres coalitions. Actuellement, nous sommes dans une coalition de 40 organisations…

Avec cette pandémie de Covid 19, quelle a été votre action envers la gent féminine ?

Nous avons fait énormément de choses avec la Covid 19. Nous avons donné à nos organisations des kits. Ces mêmes kits, nous les avons donnés au niveau du ministère. Nous avons également travaillé sur la protection des femmes, notamment le personnel de santé. Nous avons travaillé sur les VBG, nous avons travaillé sur quatre (4) thématiques : VBG (Violences basées sur le genre) ; la place des femmes dans la gestion de la COVID ; la protection, l’accompagnement psychosocial des femmes. Et nous avons travaillé de manière synergique avec huit (8) organisations au niveau de Dakar pour permettre vraiment de participer à juguler la létalité pendant la COVID.

AMY SAKHO, CHARGE DE COM AJS :  «Tout le monde doit se sentir impliqué, concerné »

Regroupés au sein de l’Association des juristes sénégalaises (AJS), des femmes font le plaidoyer sur les lois, afin de permettre aux femmes d’être mieux outillées.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l’AJS ?

L’association des juristes sénégalaises (AJS) est une association de femmes juristes diplômées des universités évoluant dans les domaines du droit. Celle-ci a été mise en place depuis 1974 par d’éminentes juristes telles que l’ancienne première ministre Mame Madior Boye, la première femme procureure Dior Fall Sow, la première femme avocate Mame Bassine. Les missions de l’AJS, c’est la promotion, la vulgarisation, la protection et la réalisation des droits humains, particulièrement ceux des femmes et des enfants. Nous intervenons dans différents volets. Il y a un volet communication où  nous communiquons beaucoup pour rendre accessible le droit.
Mais il y a un autre volet où on fait le plaidoyer sur toutes les lois, tous les droits qui sont favorables aux femmes. Nous plaidons aussi pour le changement de comportements pour aussi des réformes en faveur de la femme. On a aussi un volet assistant-juridique avec nos boutiques de droits qui sont installées un peu partout dans le Sénégal. Actuellement, nous en disposons 8 dans 7 régions. On en a une à Pikine, Médina, Kaolack, Sédhiou, Ziguinchor, Kolda et récemment nous en avons installé une autre à Kébémer. Les boutiques de droits permettent d’apporter une assistance gratuite aux populations qui souhaiteraient saisir la justice ou qui souhaiteraient disposer de quelques actes juridiques. Donc nous les assistons gratuitement.

Quels sont les cas que vous traitez le plus au niveau de votre association ?

Nous traitons tous les cas de violences, surtout les cas de viols, de violence physique, de violence sexuelle. Et avec la covid19, on a eu beaucoup de cas de violence. Nous faisons des plaidoyers, de la sensibilisation, de la communication, des formations à l’attention des acteurs qui sont concernés par la question. Mais nous apportons aussi une prise en charge à travers les formations. On forme les officiers de police judiciaires. C’est une collaboration que nous faisons pour sensibiliser sur les droits des femmes. Nous sensibilisons aussi le personnel de santé, à travers des activités d’échanges et de partage. Mais nous faisons aussi de la prévention, à travers les sensibilisations que nous faisons un peu partout au Sénégal. Nous avons même eu à mettre en place un réseau de para-juristes qui englobe des leaders communautaires que nous formons sur les rudiments du droit, pour apporter leur appui aux populations, en faisant des activités de prévention.

Qu’est-ce qu’il faut pour prévenir les cas de violence ?

Ce qu’il faut pour prévenir les cas de violence, c’est l’implication de tout le monde. Tout le monde doit se sentir concerné par la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles. L’Etat doit mettre en place des structures qui œuvrent pour la prévention, mais des structures aussi pour la prise en charge, comme il est en train de le faire, à travers le ministère de la femme qui nous appelle .Tout le monde doit se sentir impliqué, concerné pour enfin lutter contre les
violences faites aux femmes.

La pandémie de la Covid 19 n’a-t-elle pas freiné vos activités ?

Avec la Covid 19, on a fait beaucoup de choses. Nous avons eu à appuyer en kits alimentaires, des denrées, des produits de première nécessité. On a commencé par les maisons d’arrêts pour femmes où nous avons eu à appuyer ces femmes en kits de denrées alimentaires. Au niveau des localités où nos boutiques de droit sont implantées, on a doté les femmes de kits et de denrées alimentaires pour prévenir certaines formes de violence. Car durant cette période de Covid 19, les femmes étaient confrontées aux violences économiques. Donc, pour parer à ça, nous avons pris les devants en les appuyant en kits de denrées alimentaires. Nous avons dépensé des millions pour ça. Mais parallèlement, nous avons élargi  notre numéro vert qui existe déjà, c’est-à-dire le 800 805 805. Mais en période de Covid19, comme il n’était pas possible de faire des déplacements, le numéro vert était fonctionnel 24/24. Et à travers lui, on a apporté notre assistance, nos conseils et orientations aux femmes qui étaient demandeuses.

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