PECHE ET CHANGEMENT CLIMATIQUE : Les pêcheurs de Bargny en eaux troubles

Le changement climatique a un impact profond sur les océans et la vie marine. L’augmentation de la température de l’océan causée par le changement climatique, oblige les poissons à migrer des zones équatoriales vers des zones plus froides, entrainant ainsi aussi une diminution de leur taille. Pour avoir vécu deux houles dévastatrices, l’une en 2015 et l’autre en 2018, les pêcheurs de Bargny reviennent sur les incidents provoqués par ce sinistre et son influence sur leur vécu.

Maisons en ruines à Bargny

Les effets néfastes du changement climatique se fait sentir sur le secteur de la pêche. A la sortie de Dakar, dans la localité de Bargny, les pêcheurs payent un lourd tribut de l’effondrement des stocks des ressources halieutiques. Pour s’en rendre compte, nous avons effectué un détour à Bargny Guédj, village de Lébou dont la principale activité est la pêche. Située à 30 kilomètres de Dakar, la petite ville de Bargny est dans le creux de la vague. Le temps où la pêche nourrit bien le pêcheur est révolu. Les poissons se raréfient. Comme un malheur ne vient jamais seul, l’érosion côtière vient détruire les habitats des espèces marines. Depuis quelques années, la préoccupation ambiante, c’est comment faire vivre des milliers de familles dont la vie ne tient qu’à la quantité de poissons qui seront piégés par leur filet.  Déjà, depuis 2018, beaucoup de pêcheurs ne se sont pas remis du raz-de-marée qui abîmé des pirogues et a emporté des pans des habitations. Le rivage de Bargny, rudement éprouvé par l’érosion côtière, a perdu le peu de plage qui lui restait. Modou  Samb, un professionnel de la pêche est revenu sur les faits. Triste, la voix tremblante,  il rappelle les avis du bulletin météo défavorable pour des sorties en mer.  Lorsque le vent a commencé à rugir. La furie des vagues a suivi. L’alerte sonnée, raconte-t-il, «chacun a cherché à parer au plus pressé». Malgré les secours organisés, des câbles de pirogues amarrées ont cédé pour buter sur d’autres. Le résultat est désolant. Le tangage des pirogues, l’élan des éperons des embarcations ont fini par constituer un grand danger pour les personnes. Finalement, des pirogues ont chaviré avec leurs filets. La furie dévastatrice a continué sa procession pour effondrer des maisons. Après le récit de sa mésaventure, celle de tout un quartier de pêcheurs, soldée par la perte de plusieurs dizaines de pirogues, l’heure a été de recoller les morceaux. 

Assane Ndiaye et ses compagnons devant leur pirogue

                           La psychose

D’après Amath Thiaw, un jeune pêcheur qui nous avons trouvés sur la rive, la houle de 2018 a emporté au total 46 pirogues et leurs équipements d’une valeur estimée à 200 millions de francs CFA ont été détruits par les vagues de l’océan dans la nuit de vendredi à samedi à Bargny. « Nous redoutons que les vagues, avec des prévisions qui ne rassurent pas, ne causent encore d’autres dommages. » se plaint le pêcheur. Alla Seck, un vieux pêcheur informe « qu’ici à Bargny Guedj, l’eau gagne facilement ce site qui est une presqu’île. Depuis les années 1960, nous demandons en vain l’érection d’une digue de protection à Bargny. Ce qui se passe, actuellement, est un phénomène récurent chez nous, si c’est la houle, l’hivernage avec ces fortes pluies, fait déborder la mer et les eaux envahissent nos maisons. » Assane Ndiaye, président du comité local des pêcheurs de Bargny, semble bien avoir compris le concept changement climatique. Il nous renseigne que « le réchauffement climatique est l’origine de la fonte des glaciers ce qui a déclencher l’augmentation des eaux de mer, créant ainsi l’érosion côtière ». D’après lui,  l’érosion côtière a fait beaucoup de dégâts, courant marin, la pêche n’est plus abondante. « Les poisons retrouvent généralement dans les endroits de la mer où l’eau est limpide avec les effets du changement climatique, il est de plus en plus difficile de les repérer » avoue-t-il.

Assane et son équipe en mer

               La migration des poissons

Assane Ndiaye a également soutenu qu’il est  difficile de pratiquer la pêche artisanale, l’augmentation de la température de l’océan causée par le changement climatique, oblige les poissons à migrer des zones équatoriales vers des zones plus froides, et entraîne aussi une diminution de leur taille. Ce phénomène de réchauffement agit également sur la quantité des réserves halieutiques, leur flux migratoire et leur taux de mortalité. Car, explique-t-il « les courants marins détournent, notre trajectoire de leur filet. Un fait, qui a fini par  dissuader  des pêcheurs à aller en  mer, car ils ont peur de rentrer bredouille. D’autre part, l’érosion côtière a réduit, l’espace de chargement des pêcheurs ». Par la suite, le Président du comité local des pêcheurs de Bargny  a ajouté : « nous n’avons plus assez d’espace pour accoster nos pirogues et étaler nos filets ».
Les pêcheurs qui résident en face à la mer, ont pour la majorité vu leurs concessions emporter par  les eaux.

Fallou Diop, la trentaine, marié, père de quatre enfants, ayant également la charge de ses frères et sœurs depuis le décès  de leurs  parents, fait partie des personnes qui ont perdu leur demeure. D’où son cri de détresse à l’endroit  des autorités. «Il y a  quelques années, le rivage était à deux kilomètres. Aujourd’hui, l’eau arrive jusque  dans les maisons, bientôt elle  arrivera à la route nationale. De grâce que les autorités fassent quelque chose pour nous venir  en aide. On a tout perdu, qu’on règle le problème ou qu’on nous trouve un site de recasement comme on l’a fait pour les gens de la banlieue.» La détresse de Fallou s’explique par le fait qu’il fait partie des pêcheurs qui ont perdu leur pirogue en 2018 avec le passage de la houle. « Cette pirogue motorisée m’a coûté 25 millions de francs Cfa,  nous étions plus de 15 personnes qui y embarquions pour aller à la pêche », raconte-t-il. La conséquence : ils squattent les embarcations  de ses camarades. Toutefois avec les courants marins, beaucoup de pêcheurs ne s’aventurent plus à aller en haut mer qui est lieu « le plus propice pour pêche », se plaint-il.

 Amener les pêcheurs à s’adapter

Baba Dramé Directeur de l’Environnement et des Etablissements Classées (Deec), les océans jouent un rôle majeur dans la dynamique du climat, absorbant 93 % de la chaleur qui s’accumule dans l’atmosphère terrestre et un quart du dioxyde de carbone (CO2) émis par les combustibles fossiles. Les impacts du changement climatique sur nos océans comprennent les changements de température, l’acidification, la désoxygénation et les changements dans les courants océaniques.  Ces changements posent des défis. Aussi, en vue d’amener les acteurs de la pêche et comprendre et à développer des aptitudes d’adaptions climatiques, des ateliers de formation ont été organisés à leur intention   à leur intention, pour renforcer leurs capacités. « La formation est la meilleure option pour aider les pêcheurs à faire face aux effets négatifs du changements », pense-t-il.

Moussa Mbengue Secrétaire Exécutif de l’Association Ouest Africaine pour le développement de la pêche artisanale (Adepa),a soutenu que leur structure a opté sur la formation pour amener les pécheurs à mieux comprendre le concept changement climatique. « Nous avons organisé plusieurs sessions de formations en utilisant un langage simple est accessible afin de permettre à nos cibles de retenir les messages, nous avons également mis en exergue leur vécu quotidien » dit-il. L’autre approche toujours concernant la pédagogie, c’est la mise à la disposition des pêcheurs des guides de pratiques avec des illustrations et des messages  langues nationales avec des mots clés. Moussa Mbengue affirme toutefois que pour   continuer à pêcher de manière durable, il faut adopter de nouvelles méthodes de pêche. Il s’agit de l’implantation de bassins piscicoles ( élevage de poissons avec de l’eau douce comme dans la mer) qui été expérimenté déjà dans quelques zones de pêche.

    L’usage des informations de la météo

Pour sa part, Mactar Ndiaye, Directeur de la Météorologie du Sénégal renseigne que les modes de prévision météo se font par messages téléphones. « Les pêcheurs sont organisés et leurs représentants reçoivent de les informations en temps réel qu’il partage avec eux », dit  M. Ndiaye qui a d’ailleurs confirmé que les sessions de formations ont été offertes  aux professionnels de la pêche pour qu’ils puissent comprendre le mode de fonctionnement de la météo.

Paule Kadja TRAORE

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