Coran, corona et l’illusion de la peur !

Par Aliou Bamba Mbacké

Le monde tremble et se replie, terrifié par l’infiniment petit qui tient en otage un système de référence qui s’enorgueillissait, il y a peu, d’être au summum des civilisations que la grande aventure humaine ait eu à produire sur terre, bien qu’étant jusque-là incapable d’instaurer la paix dont jouissent même les animaux sauvages. L’égo de l’homme, ce minuscule animalcule, cet être invisible à l’échelle de l’univers,  créé dans  «  sa forme la plus parfaite » mais rétrogradé « au plus bas de l’échelle » par ses viles passions, en prend un sérieux coup. Des confins de l’orient aux abysses de l’occident, alors que le gotha scientifique braquait tous les projecteurs vers d’éventuelles météorites pouvant heurter la surface de la terre, un virus invisible à l’œil nu a réussi à confiner en peu de temps le tiers de l’humanité et lui laisser le temps de méditer sur ses propres frasques. Dirigeants comme administrés, bourgeois et prolétaires, personne n’est épargné. On  comprend désormais bien pourquoi « Dieu ne répugne pas à proposer en parabole un moucheron ou quelque chose de plus élevé ». Le récit de la création même montre à la fois cette insignifiance et cette capacité évolutive de l’homme créé à partir d’un caillot de sang, (‘alaq). Pour ainsi dire, rien n’est « créé en vain »  et « tout vogue dans son orbite ».

En de pareilles circonstances où l’humain constate sa faiblesse et sa fragilité, un retour sur les valeurs  cardinales s’impose. Dans ce dessein, quoi de plus logique pour le musulman que de se référer au Coran, cet océan de miséricorde, une invite permanente à une lecture positive du monde. La question n’est pas forcément « à qui le Coran parle » mais plutôt « qui l’écoute ? Qui l’interroge? ». Le réciter est très important, s’imprégner de son substrat l’est encore plus. D’où l’urgence de dépoussiérer ce manuscrit pieusement rangé dans les tiroirs pour faire Un avec afin de sortir de l’obscurantisme. 

Sortir de l’illusion…

Aussi dangereuse et mortelle soit-elle, la réalitéde cette pandémie est décuplée par la cacophonie et le braiement de vociférateurs qui en profitent pour alimenter la psychose et dérouler un agenda loin de la simple préoccupation sanitaire. Loqman avait bien raison en disant, comme le rapporte le Coran, que «  la plus détestée des voix est celle des ânes ».Ainsi, l’ennemi numéro un à combattre devient cette peur qui élit domicile dans les cités de l’ignorance et de la déraison. Car la peur subtilement entretenue pulvérise les roches de la conscience, fend les murs de l’indifférence et précipite, d’un pas hâtif et fort suspect, la cadence des mutations sociétales.  Ici aussi, le coran vient à la rescousse.  La Chahada, attestation de l’Unicité d’Allah, si elle est bien comprise et assimilée, donne à elle seule, un coup de grâce à cette illusion. Par « il n y’a pas de divinités en dehors d’Allah », le musulman prend conscience que Seul le Réel Est et, par conséquent, toute peur n’est que projection illusoire.

L’illusion, c’est aussi ce système de référence basé sur la réalisation matérielle dans lequel nous évoluons et les résultats que nous escomptons de lui. Cette machine infernale du progrès tant plébiscitée doit, comme l’âne de Cumes qui s’était revêtu de la dépouille d’un lion, être démasquée et trainée au galop à coup de bâtons. En ce sens, le Coran pointe du doigt l’immense différence entre les termes kawthar(abondance) et takâthur(thésaurisation), expression contre-nature du premier. Si le premier terme évoque la notion de béatitude, de plénitude, de réalisation de soi, le second renvoie plutôt à la situation d’un capitalisme sauvage avec son lot de désillusions qui maintiennent le monde contemporain dans les grottes de la dépression, du stress et de la perdition, dans une course effrénée vers le matériel qui précipite l’humanité dans le gouffre. Le maquillage par le clinquant et la peinturlure aidant, le système actuel qui met en avant les nouvelles technologies de l’information et de la communication à travers le web(la toile) cache subrepticement ses carences. Or, « la plus fragile des demeures » n’est-elle pas justement « celle des araignées (toile) » comme le dit le Coran en faisant référence à ceux qui adoptent des divinités autres qu’Allah. Par divinités, nous avons tendance à comprendre des formes païennes comme les statuettes, animaux et autres objets inanimés devant lesquels l’homme s’incline.  Pourtant, l’humanité se livre aujourd’hui à une forme de polythéisme plus dangereuse, bien que plus subtile.  « De nos jours, en fait dans toute l’histoire humaine, deux formes de Chirk ont persisté. Ce sont : la poursuite de la richesse au point d’en faire le but principal de la vie et l’obéissance servile aux passions et aux désirs bestiaux du corps humain, au lieu de rendre cette obéissance au seul et unique Dieu » disait, dans son commentaire du Coran,  Ali.

Oser le repentir…

« La folie c’est de reproduire la même chose et s’attendre à des résultats différents ». Le repentir ne doit pas être une simple expression verbale mais une prise de conscience d’une anomalie et le déploiement de l’ensemble de nos sens pour sa rectification. Il s’agit d’un alignement à l’ordre naturel et implique une humilité pour reconnaitre que, puisque la Miséricorde (Ar Rahma) qui régit les lois de l’univers ne connait pas l’échec, tout blocage ne peut émaner que de notre perception fallacieuse des choses. C’est une introspection individuelle et collective, un diagnostic interne et externe pour repartir du bon pied. C’est sortir de la logique de procrastination sur les questions fondamentales qui interpellent notre vie commune pour agir convenablement, dès à présent : revoir notre comportement vis-à-vis de nous-même et de ce qui nous entoure et, au-delà des races et  des ethnies, penser l’humain dans sa globalité et sa diversité enrichissante pour  un  nouveau Wuhan de l’amour, du vivre ensemble et du partage qui contaminera l’humanité toute entière. Il s’agit de comprendre que, puisque l’infiniment petit peut avoir autant de répercussions sur nous et sur notre mode vie, nos actes irresponsables de dégradation de la nature peuvent eux aussi grandement impacter sur des êtres invisibles qui disparaissent à jamais ou sur d’autres infiniment grand. De même notre situation actuelle n’est que le fruit, aussi amer soit-il, de notre comportement : « La corruption est apparue sur la terre et dans la mer à cause de ce que les gens ont accompli de leurs propres mains; afin qu’Allah leur fasse goûter une partie de ce qu’ils ont œuvré; peut-être reviendront-ils vers Allah. ».

Se repentir c’est adopter la posture du prophète Younouss (Jonas) lors de son « confinement » dans les entrailles du poisson. Le coran nous le raconte ainsi: « …Puis il fit, dans les ténèbres, l’appel que voici: «Pas de divinité à part Toi! Gloire à Toi! J’ai été vraiment du nombre des injustes. Nous l’exauçâmes et le sauvâmes de son angoisse. Et c’est ainsi que Nous sauvons les croyants. »

Oser la Présence….

Et si cette épidémie était une alerte du destin pour montrer à l’humanité qu’elle s’est trompée de voie ? Mais, l’écouterons-nous ? Ou, du moins, pourrons-nous ne pas l’écouter ? Une présence est plus que nécessaire : elle est urgente. En effet, l’homme, écartelé entre souvenirs vagues et projections stériles, laisse moisir un Présent qui se morfond continuellement dans le creux du passé. N’était- ce pas, à dire vrai, cette omission de Présence qui avait causé le bannissement d’Ibliss, le damné, et bouté Adam hors du Paradis? Ibliss en s’accrochant sur des préjugés du passé avait lancé à l’endroit du Créateur «  tu m’as créé de feu et tu l’as créé d’argile », s’est enorgueilli et s’est rebellé. Adam, de son côté, par la projection d’un « arbre de l’immortalité et de la royauté infinie » a cédé à la tentation du diable et s’est éjecté de son Présent Paradisiaque. Retrouver ce Temps naturel permettra à l’homme de rentrer de nouveau dans la symphonie naturelle, d’agir avec conscience et responsabilité et de se repenser comme un élément dans le Tout Universel pour aspirer au Kawthar, l’abondance.

Aliou Bamba Mbacké,

Fonctionnaire au ministère de l’intérieur.

Email : badacheikh@gmail.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Previous post COVID-19 : LA FERMETURE DES FRONTIÈRES AÉRIENNES PROLONGÉE JUSQU’AU 31 MAI (MINISTRE)
Next post Coronavirus dans le monde : carte du Covid-19 et bilan de la pandémie en Italie, Espagne, Chine, aux Etats-Unis…