LETTRE A NOS FILLES ET NOS PETITES FILLES :«Nous femmes, nous voulons être ce que nous sommes, et ne point être ce qu’on nous fait. » Maria Deraismes -1869.

Chers enfants,

La célébration le 8 mars de chaque année de la « Journée internationale de la femme » dans le monde, c’est à Clara Zetkin, une enseignante, journaliste et femme politique allemande, que nous la devons.  Si cette journée trouve son origine en Europe, pour des combats différents en apparence de ceux de notre pays, il n’en reste pas moins que l’universalité de la question de la place des femmes dans le monde nous permet de nous emparer de cette date symbolique afin de nous adresser à vous,   nos enfants et petits-enfants, filles et garçons, car force est de reconnaître que la majorité des femmes dans notre pays vivent des jours difficiles et peinent à faire admettre la totalité de leurs droits humains. Aussi, c’est avec toute la responsabilité qui nous incombe, en tant que mamans, et grands-mamans que nous saisissons cette date symbolique pour vous transmettre quelques réflexions. 

Chers enfants, 

Il est de notre devoir générationnel de vous éclairer un peu la route, à la lumière de nos expériences et de ce que nos mères et grands-mères nous ont légué et il est nécessaire de le faire maintenant avant que la dégradation de la route ne soit irréversible. Car vous le voyez bien, chaque jour qui passe apporte son lot de misères, de confusions, de détresses qui déstabilisent votre vision du monde et la désespèrent. Nos mots sont faibles pour exprimer notre désarroi lorsqu’au quotidien des femmes sont battues, violées, tuées. Nos mots ne savent plus traduire notre colère lorsque des enfants sont obligés de travailler pour subvenir aux besoins de leurs familles au lieu de s’instruire à l’école ou au daara, lorsqu’ils sont battus, violés, tués par les adultes qui devraient leur assurer protection.

Chers enfants,

Chères filles et petites filles, c’est d’abord à vous que nous nous adressons même si notre discours peut être entendu par vos frères aussi. Malgré les avancées juridiques sur le statut des femmes, il reste encore beaucoup à faire pour que cette moitié de l’humanité soit reconnue à sa juste valeur. On peine encore à considérer la femme autrement que comme une « travailleuse d’intérieur », juste bonne à entretenir la maison. Au nom de ce subconscient collectif qui perdure, on la retire de l’école pour la donner en mariage sans se préoccuper de ses désirs et de ses aptitudes. On la prive ainsi de sources de revenus autres que ceux que lui donne son mari. Ainsi muselée, elle est infantilisée ou traitée comme la propriété privée de ceux qui l’ont à leur charge. On traite son corps comme un objet juste apte à procurer du plaisir aux hommes. On manipule les religions pour plier les femmes à une prétendue infériorité de leur sexe. Les procédés sont si habiles que nombre de femmes finissent par culpabiliser et par adhérer aux normes de leurs manipulateurs, finissant par devenir les pires ennemies des femmes elles-mêmes.

Chères filles et petites filles, 

Il est temps, à présent, de vous mettre debout, ensemble, pour vaincre les fléaux qui nous retardent et réduisent nos efforts en cendres.

Il est temps de réhabiliter le féminin puissant qui réside en chacune de vous et de lui redonner un lustre qu’il n’aurait jamais dû perdre.

Il est temps de s’atteler à déconstruire les préjugés qui feraient de vous des sous-hommes, incapables de participer à la bonne marche de la nation. Pour cela, il faut d’abord comprendre les mécanismes par lesquelles on a pu nous faire croire que nous n’avions pas les capacités de rêver et de  réaliser nos rêves. 

Bien entendu, nous savons bien que les hommes et les femmes n’ont pas les mêmes caractéristiques physiques et qu’une répartition des tâches, pour être équitable doit tenir compte des spécificités de chacun. 

Est-ce à dire qu’il nous faut nous contenter des miettes qui nous sont chichement abandonnées dans tous les secteurs de la vie sociale ?

Devons-nous laisser les mentalités stagner et nous maintenir dans l’ignorance ou devons-nous nous atteler à démontrer par la pratique que nous sommes capables d’apprendre et de produire au moins aussi bien que nos frères ? 

Devons-nous encore courber l’échine et dire oui au musèlement, à l’humiliation, au manque de respect et à la violence ?

Devons-nous être complices de ceux qui nous dévalorisent et nous empêchent de progresser ?

Bien entendu, chères filles et petites filles, les hommes ne sont pas nos ennemis. 

Ils sont vos pères bien-aimés, vos frères, nos époux chéris, nos fils adorés.

Nos ennemis se nomment : maltraitance, violence, analphabétisme, ignorance, nuisances, régression, dégradation, injustice, sexisme, harcèlement ; la liste est si longue…

Chères filles, chères petites filles,

Longue est sans doute la route qui nous mènera à l’expression de tout notre potentiel. Nous vivons dans un pays où les traditions les plus rétrogrades sont tenaces.

 Mais devant vous, voyez les torches allumées par des femmes de chez vous, voyez les sacrifices consentis par les femmes de Nder au nom de la liberté !

Voyez les figures féminines vaillantes qui illuminent de leur dévouement l’histoire du Sénégal. Elles sont religieuses, scientifiques, littéraires, politiques, sportives… Elles existent, ces femmes modèles dont la vie est un viatique pour vous aider à mener la vôtre.

Saisissez-vous de leurs ombres tutélaires et croissez ! 

Grandissez en sagesse et balayez la peur que seule l’ignorance peut développer !

Ôtez les baillons qui vous musèlent et vous empêchent de donner libre cours à votre leadership et exigez le respect sans lequel rien n’est possible!

Cessez d’être les spectatrices inertes de la marche du pays et cultivez l’estime de soi et la solidarité qui permettent la réalisation des plus belles ambitions !

Vous serez alors certes des « travailleuses de l’intérieur » mais vous serez surtout celles par qui se réalisera l’ambition de notre pays à l’extérieur aussi, ce pays qui est notre partage à tous et à qui nous devons réserver la meilleure part de nous !

Quant à vous, chers fils et petits-fils,

Vous serez demain les partenaires sur qui nous devrons compter. Il n’est aucunement question de vous jeter quelque anathème que ce soit. Bien au contraire, nous voulons vous assurer de notre présence affectueuse et fidèle. Et pour que notre collaboration future soit fertile, il est important que vous soyez convaincus que la femme est votre partenaire en vue de l’excellence. 

Elle a, au même titre que vous, besoin de respect, de considération, de confiance. Vous devez désapprendre la domination, la violence et l’irrespect au profit de la tolérance, de l’indulgence, du respect. 

Apprenez dès l’enfance à considérer vos sœurs comme vos égales, ni plus, ni moins. C’est dans la cellule familiale que tout se joue. 

Refusez de n’avoir que des droits et d’abandonner les devoirs à vos sœurs et apprenez à considérer la femme comme un être humain à part entière, tout comme vous, intellectuellement, physiquement, psychologiquement et aussi moralement. 

Il lui sera exigé autant que vous pour bâtir un pays harmonieux, un monde en progrès.

Chers enfants, filles et garçons,

Nous tenons aux valeurs qui fondent notre humanité. Nous sommes conscientes du monde instable que nous vous léguons. Nous savons aussi que les vraies valeurs se jouent du sexe. Elles sont universelles et incombent à tous les humains. 

Ne laissez pas ces valeurs être dévoyées, mutilées, manipulées par les épris de pouvoir, de domination, de soumission. 

Construisez ensemble, main dans la main, un futur solide d’où seront extirpées les mauvaises herbes qui étouffent le progrès, pour semer les graines de la sagesse et de l’entente.

De ce terreau fertile illuminé du soleil de vos ainés et arrosé d’intelligence pratique, vous récolterez pour vos enfants et vos petits-enfants les fruits savoureux et infinis de succès durables.

Moi, Kennedyenne !

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